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densité de la matière ; ainsi, pour l’habitant de Jupiter ou de Saturne (les planètes les moins denses) un Newton, par exemple, ne serait qu’un singe, tandis que pour les habitants de Vénus ou de Mercure (les planètes les plus denses), un singe serait un Newton. Les habitants de la terre occuperaient à peu près le milieu entre ces deux extrêmes (1)[1]. Pour l’explication de la formation des planètes, Kant suppose d’abord l’espace uniformément rempli de matière (chaos) ; puis un développement de points gyratoires, qui par leur mouvement, toujours dans le même sens, formeraient peu à peu des globes (planètes) tournant eux-mêmes autour d’une masse centrale (soleil), douée de la même rotation (d’occident en orient), plusieurs centaines de fois plus grosse et pesante que celle de toutes les planètes réunies. Quant à la rotation de Saturne en particulier, qu’il estime, d’après les apparences de l’anneau, à 6 h. 23 m. 53 s., Kant s’est trompé de quatre heures en moins (elle est de 10 h. 24 m.) (2)[2]. Il parle aussi de la lumière zodiacale, qu’il appelle l’anneau solaire, en l’assimilant à l’anneau de Saturne (3)[3]. Le cours de géographie physique (Vorlesungen über Physische Geographie), publié d’abord a Kœnigsberg, en 1802 (4)[4], y compris le récit du tremblement de terre de 1755, la théorie des vents, des races humaines et des volcans de la lune, etc. (5)[5], contient beaucoup d’idées aujourd’hui démontrées inadmissibles. — 7° Le problème d’une parfaite constitution sociale est inséparable de celui d’une organisation parfaite de tous les états. — 8° On peut considérer l’histoire du genre humain comme l’exécution d’un plan caché de la nature, d’après lequel doit se traduire peu à peu du dedans au dehors un État constitutionnel propre à développer tous les moyens naturels de l’humanité. Déjà on est arrivé à la période où aucun État ne pourrait négliger la culture des forces humaines, sans perdre en puissance et en influence vis-à-vis des États voisins. — 9° L’essai philosophique de rédiger l’histoire universelle sur le plan de l’unité constitutionnelle du genre humain doit être considéré comme possible et utile (6)[6]. »

Telles sont les propositions de Kant, relatives à une philosophie de l’histoire. L’auteur pense, avec Kant, que l’histoire véridique ne commence qu’à la première page de Thucydide.

Parmi les autres écrits de la première partie de ce volume (Sur Swedenborg, lettre à Mlle de Knobloch, 1758, p. 1-11 ; Sur les maladies de la tête, article extrait de la Gazette de Kœnigsberg, 1768 ; Sur les vaines tentatives d’une théodicée, 1791, et d’autres écrits de circonstance), on re-


marque : 1° les Rêves d’un Visionnaire (Träume eines Geistersehers, Riga, 1766) ; il y dit, entre autres, que « une puissance secrète nous force chacun, malgré nous et contrairement à nos instincts, à travailler an bien de tous, comme si nous étions sous la dépendance d’une volonté générale, analogue à la gravitation à laquelle obéissent toutes les molécules de la matière : le sentiment moral est en quelque sorte la conscience de cette dépendance de la volonté individuelle. Il se peut donc que, suivant l’exercice de ce sentiment, l’âme se choisisse déjà ici le lieu qu’elle occupera, après la séparation du corps, dans la communauté des esprits (1)[7]. « Pour arriver à la vérité, il faut mettre son amour-propre sur un plateau de la balance et son jugement sur l’autre plateau ; puis, après avoir constaté (ce qui est difficile) que le premier ne pèse rien, écouter sur le même sujet le jugement des autres hommes placés à des points de vue différents. Cette observation comparative donnera sans doute de très-fortes parallaxes ; mais c’est là le seul moyen d’éviter des illusions optiques et de mettre les choses à leur vraie place, toujours relativement à notre faculté de connaître (2)[8]. » Le reste de la notice contient des détails intéressants sur le fameux Swedenborg. — 2° Qu’est-ce que la lumière morale (Wast ist Aufklaerung, article politique extrait de la Berliner-Monatsschrift, 1783) ? On y trouve des idées qui sont comme le prélude de la révolution de 1789. « Pour devenir éclairé, dit l’auteur, il faut la liberté de faire publiquement usage de sa raison en toutes choses. Or, j’entends dire de tous côtés : Ne raisonnez point ! L’officier dit : Ne raisonnez pas, mais portez armes ! Le conseiller de finances : Ne raisonnez pas, mais payez ! Le prêtre : Ne raisonnez point, mais ayez la foi. Un seul maître (3)[9] dans le monde dit : Raisonnez tant que vous voudrez et sur tout ce que vous voudrez ; mais obéissez. Là donc il y a partout des restrictions apportées à l’exercice de la liberté (4)[10]. » — 3° Sur la paix perpétuelle (Vom ewigen Frieden) ; Kœnigsberg, 1795, réimprimé en 1796 (5)[11]. C’est là peut-être un des opuscules les plus remarquables qui soient sortis de la plume d’un publiciste. Le premier chapitre débute par les propositions suivantes, que Kant voudrait voir ériger en lois : 1° Aucun traité de paix ne devra être déclaré valable s’il renferme une clause ou réserve qui puisse tôt ou tard devenir le motif d’une rupture. 2° Aucun État, grand ou petit, ne devra pouvoir être acquis par voie d’héritage, d’échange, d’achat ni de donation. « Car, ajoute l’auteur sous forme de commentaire, un État n’est pas un patrimoine
  1. (1) Vol. VII, pag. 214-216.
  2. (2) Ibid., pag. 135.
  3. (3) Ibid., pag. 148.
  4. (4) Ibid., pag. 417-805.
  5. (5) Ibid., pag. 317-414.
  6. (6) Ibid., pag. 319 et suiv.
  7. (1) Vol. VII, pag. 53-58.
  8. (2) Ibid., pag. 74-75.
  9. (3) C’est le célèbre Frédéric II, roi de Prusse, son souverain, que Kant veut sans doute désigner ici.
  10. (4) Vol. VII, pag. 147.
  11. (5) Ibid., pag, 232-291.