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dant mettre tous les droits de son côté, proposa un traité d’alliance à Sélim, et lui envoya l’émir Mogoulbéi. Mais celui-ci ayant été traité de la manière la plus ignominieuse, il n’y avait plus à reculer. Le sultan mamlouk sort donc d’Alep le 21 août 1516, et marche sur l’ennemi, qu’il rencontre dans la plaine de Meurdjet Dabek. Au premier choc, les troupes égyptiennes eurent le dessus ; Sélim pensait même sérieusement à la retraite, lorsque le bruit se répand parmi les Égyptiens que K’ansou a défendu à ses mamelouks de s’engager, afin de laisser tomber tout le poids de la lutte sur les vieux mamelouks, qui aussitôt se retirent du combat. En même temps Khréir Béi, vendu à Sélim et qui commandait l’aile gauche, s’enfuit ; les Ottomans reprennent l’offensive, et la bataille est perdue. En vain K’ansou fait-il des prodiges de valeur, il est obligé de tourner bride ; le désespoir l’atteint jusqu’aux sources même de la vie ; il est frappé d’apoplexie, et tombe de cheval sans connaissance ; les émirs qui l’entourent, afin de soustraire son corps à la profanation, l’achèvent, lui coupent la tête et la jettent dans une citerne. Telle fut la fin du Melek el-Achraf Abou-Naseur ; il avait environ soixante-quinze ans ; sa mort précéda à peine d’un an la conquête définitive de l’Egypte par les Turcs. O. Mac Carthy.

El-Djianabi, Bah’ar al Zakar. — Ah’med ben Iousef, Akhrbar al Douat.

KANT (Emmanuel), célèbre philosophe et mathématicien allemand, né le 22 avril 1724, à Kœnigsberg, mort le 12 février 1804. Sa vie n’offre aucun incident remarquable : comme celle de l’immense majorité des penseurs allemands, elle se passa au sein de l’école et de cabinet Son père, d’origine écossaise, était un sellier pauvre, mais d’une probité extrême, et sa mère poussait les principes religieux jusqu’au puritanisme le plus rigide. C’est dans les exemples de ses parents que Kant puisa, comme il le reconnut lui-même, les principes de cette moralité austère qui perce à chaque page de ses écrits. Sa première éducation, toute religieuse, se fit sous le toit paternel. Montrant autant de facilité que d’avidité de s’instruire, il fut envoyé au collège (Gymnasium Fredericianum), sur le conseil d’un oncle maternel, nommé Richter, cordonnier aisé, qui subvenait aux frais de l’écolier. Le directeur dm gymnase, le docteur Schulze, s’aperçut bientôt du génie naissant de son élève : il en avertit la mère, qui dès lors prit le plus grand soin de l’éducation de son fils. Kant parla toujours depuis de son maître avec un vif sentiment de reconnaissance ; et, vers la fin de sa vie, il exprimait souvent le regret de ne lui avoir pas rendu un hommage public dans quelqu’un de ses écrits. Après avoir terminé ses études de collége, il suivit à l’université particulièrement les cours de la philosophie, faculté qui, dans l’organisation des universités allemandes, comprend à la fois les lettres et les sciences. Les mathé-

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matiques eurent bientôt pour lui un immense attrait, et influèrent dès lors puissamment sur toute la direction de son esprit. Reçu mettre ès arts (licencié en philosophie), il se destina à l’enseignement, s’employa quelque temps à une éducation particulière ; et, à l’amie trente-trois ans, il fut attaché à l’université de Kœnigsberg comme simple répétiteur (Privatdocent). En 1770 il obtint la chaire de mathématiques, qu’il ne tarda pas à permuter contre celle de logique et de métaphysique. C’est dans cette chaire que Kant s’illustra comme l’apôtre d’une philosophie nouvelle, qui compte des disciples nombreux el dévoués. De toutes les parties de l’Allemagne on vit affluer à Kœnigsberg une jeunesse avide de recueillir les paroles du maître, et, après que, affaibli par l’âge, il eut, dès 1793, renoncé à l’enseignement public, les hommes d’État et les diplomates les plus célèbres tenaient à honneur de venir visiter le grand philosophe dans sa profonde retraite. Deux de ses élèves et amis, G. Hasse[1] et Wasianski[2] nous ont retracé les dernières années de la vie de Kant. Les détails qu’ils nous en donnent sont insignifiants en eux-mêmes : ils n’ont de l’intérêt que parce qu’ils se rapportent à un homme qui, par l’originalité et la hardiesse de ses idées, fixa sur lui un moment l’attention du monde.

On a cité comme un trait de ressemblance entre Socrate et Kant, que le premier, dans une vie de soixante-dix ans, ne quitta jamais le territoire d’Athènes, de même que le second mourut dans sa ville natale sans en être sorti une seule fois. Mais on oublie que Socrate assista au siége de Potidée et que Kant fut précepteur dans une famille éloignée de Kœnigsberg. — Chaque heure avait son emploi dans la vie du philosophe allemand, qui n’eut jamais de Xanthippe dans son intérieur. Cinq minutes avant cinq heures du matin, été ou hiver, il se faisait réveiller par son domestique, Martin Lampe, ancien soldat prussien. À cinq heures précises, il s’asseyait à sa table, prenait une ou deux tasses de thé, et fumait une pipe en repassant dans son esprit le plan qu’il s’était tracé la veille de sa journée. À sept heures il sortait pour faire son cours, et de retour au logis, il se remettait au travail jusqu’à une heure. Depuis qu’il eut cessé ses cours, il ne travaillait plus, pendant toute la matinée, qu’à ses derniers écrits. À une heure moins un quart, la cuisinière, qui, avec Lampe, composait toute sa maison, venait lui dire : « Les trois quarts sont sonnés. » Alors Kant se levait de son bureau, ajustait sa toilette, prenait un verre de vin de Hongrie ou du Rhin pour ouvrir l’appétit[3], et

  1. Lezte Æusserrungen Kant’s ; Kœnigsberg, 1664.
  2. Immanuel Kant, in seinen letzten Jaebensjahren, etc. ; Kœnigsberg, 1804.
  3. Kant était ennemi déclaré de la bière. Quand quelqu’un était incommodé, sa question ordinaire était : « Ne boit-il pas de bière le soir ? » Ou même quand quelqu’un