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semble qu’une analyse vraiment critique peut, aujourd’hui encore, faire ressortir en lui tous lies caractères de l’unité primitive de conception et de composition ; il nous semble que sous cette forme, en apparence incohérente et mutilée en réalité, qui porte la double trace des ravages du temps et de l’infidélité des hommes, existent un enchaînement intérieur, une organisation du fond, en un mot une pensée créatrice qui domine l’ensemble, rattache entre elles, par un lien nécessaire, les parties de l’ouvrage, et y révèle la main d’un poète. La Théogonie, avons-nous dit encore, était au sixième siècle devant les yeux des sages de l’Ionie et de la Grande-Grèce comme au cinquième devant ceux de Pindare, d’Eschyle et d’Hérodote ; elle y était dans son ensemble, à titre de corps de doctrine et de symbole révéré des croyances héréditaires, à un état enfin qui ne pouvait être essentiellement différent de celui où les Alexandrins la trouvèrent. Ceux-ci reconnurent sans doute dans les copies qu’ils collationnèrent pour leurs recensions nouvelles bien des disparates, des doubles emplois, des incohérences de détail, résultat inévitable d’une transmission orale prolongée, de l’absence de toute critique chez les premiers rédacteurs, et de la fidélité même avec laquelle ils remplirent leur mission. Les grammairiens d’Alexandrie eurent le défaut contraire ; mais quelques efforts qu’ils aient faits pour polir le texte de la Théogonie, rien ne prouve qu’ils en aient modifié la contexture générale, pas plus que ne l’avaient inventée avant eux les Diascévastes des Pisistratides. Tel qu’il nous est parvenu, poli de nouveau après le siècle d’Auguste, puis corrompu, mutilé, bouleversé même en quelques parties, à travers les temps « ’ignorance et jusqu’au dixième siècle de notre ère, il y reste encore, dans le fond et dans la forme, avec toutes ces altérations plus ou moins récentes, d’assez frappants indices d’antiquité, une disposition assez simple, une couleur assez naïve, pour que ces caractères réunis expliquent à la fois les systèmes modernes et les contradictions sérieuses auxquelles ils commencent à donner lieu de nos jours. »

Nous avons reproduit ces observations, dont on peut chercher les développements et les preuves dans la dissertation d’où elles sont tirées, parce qu’elles s’appliquent également, du moins en grande partie, aux Œuvres et Jours, et qu’elles déterminent le point de vue sous lequel nous avons été amenés par nos études à envisager les monuments primitifs de l’épopée grecque. Du reste, tout en déclarant que la Théogonie, même dans son état actuel, représente à nos yeux l’essor le plus élevé, le fruit le plus beau, de l’école de poésie didactique à laquelle elle appartient, nous ne lui accordons qu’une authenticité relative, comme celle de l’Odyssée, par exemple, vis-à-vis de l’Iliade. Nous ne la croyons pas du maitre lui-même, mais du plus éminent, du mieux


inspiré de ses disciples. Elle nous parait d’un époque plus récente que le poëme rapporté sans débat à Hésiode ; et si l’on soutenait, ainsi qu’on a pu le faire avec quelque semblant de vérité, qu’entre ce poëme et les grandes épopées homériques, il y a différence d’écoles plutôt que de dates, de lieux plutôt que de temps, et qu’après tout Hésiode peut bien être aussi ancien qu’Homère, nous répondrions que cet Hésiode ne saurait en aucune façon être celui de la Théogonie, à considérer le progrès des idées, des connaissances de tous genres qui s’y découvre, notamment des connaissances géographiques ; à considérer la couleur du style et l’imitation évidente tantôt de certains passages des Œuvres et Jours, tels que le mythe de Pandore, tantôt et plus souvent des formes de la poésie homérique. A plus forte raison refuserions-nous au vieux maître d’Ascra ces coulinuations, ces annexes, que la Théogonie reçut aussi bien que les Œuvres, et où plus tard encore l’école qui procéda de lui se produisit sous un troisième aspect, sous un aspect mythique et historique à la fois, compilant de toutes parts les généalogies, les légendes des héros, pour les placer à la suite des généalogies et des légendes des dieux. Nous voulons parler surtout de cette épopée, ou plutôt de cette espèce de chronique héroïque, célèbre dans l’antiquité, mais perdue aujourd’hui, sauf un petit nombre de fragments, et qu’on trouve citée jusqu’au cinquième siècle de notre ère, sous les noms divers de Catalogue des Femmes (Karà-Xoyoi Yuvaixwv) (les Mères des Héros), de Grandes Eœées (’HoTai [jisYàXai) (à cause de la formule ri oïri qui s’y répétait de récit en récit), ou de Généalogies héroïques (’Hpwovovîa) ; car ces différents noms semblent désigner un même corps d’ouvrage, d’une étendue plus considérable qu’aucun des autres poèmes hésiodiques, et distribué en cinq livres, qui furent peut-être des chants originairement distincts, La tradition les attribuait en masse à Hésiode ; mais la critique y reconnut sans peine des signes nombreux de postériorité, même relativement à la Théogonie, bien qu’ils semblent y tenir aujourd’hui encore par la dernière partie, sans doute ajoutée après coup, de celle-ci. Le fragment le plus considérable des Grandes Eœées fut détaché, on ne sait à quelle époque, pour servir d’introduction au petit poëme parvenu jusqu’à nous avec le titre de Bouclier d’Hercule { « Xcmc,’HpaxXéouç), quoique la description de ce bouclier ne soit qu’un accessoire du combat d’Hercule et de Cycnus, qui en est le véritable sujet. Ce petit poëme, du moins avec cet accessoire, imitation ingénieuse, mais récente, de la description du bouclier d’Achille dans VIliade, ne saurait, malgré le sentiment d’Apollonius de Rhodes, passer pour une œuvre hésiodique, au même titre que les Noces de Céyx (KriOxo ; yâiAoi), la Descente de Thésée aux En/ers (0ri<Téa) ; eîç » Aôtiv KaTâêaatç), l'Épithalame de Thétis et de Pelée (’K7ti6aXà—