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HÉSIODE


Théogonie, d’accord avec Les Œuvres et Jours, nous le dépeint paissant ses brebis au pied de la montagne, lorsqu’il reçut des Muses la branche le laurier, symbole de sa mission poétique. Plus tard, engagé avec son frère Perses, après la mort de leur père, dans un procès au sujet de leur commun héritage, il le perdit devant ces juges corrompus, devant ces « rois mangeurs de présents, » dont il se vengea en flétrissant leurs voies tortueuses, et bien mieux encore, en faisant de ce débat de famille l’occasion de ces exhortations au travail, à l’ordre, à la justice, qui dans la personne de son frère s’adressaient à tous ses contemporains, et qui sont l’objet principal du poëme des Œuvres. On veut, mais sur des indices peu sûrs ou même imaginaires, qu’il ait composé ce poëme à Orchomène, où il se serait retiré, ayant pris Ascra en dégoût. Ce qui est certain, c’est que les Orchoméniens montraient son tombeau dans leurs murs, mais en avouant qu’ils y avaient recueilli ses ossements rapportés d’Ascra, ruinée par les Thespiens, ou qu’ils les avaient fait venir de Naupacte en Locride, sur l’ordre de la Pythie, pour délivrer leur ville de la peste par la possession de ce dépôt sacré. Quoi qu’il en soit, c’était un proverbe chez les Grecs que la longue vieillesse d’Hésiode ; c’était une tradition que sa double sépulture ; et pour le monument érigé en son honneur sur la place publique d’Orchomène Pindare avait, dit-on, composé une inscription que nous avons encore, où il est célébré comme ayant joui d’une double jeunesse, comme ayant obtenu deux tombeaux, comme ayant enseigné la mesure de la sagesse humaine. De cette espèce d’auréole dont fut environnée de bonne heure la mémoire d’Hésiode, de ce prix singulier attaché à ses restes, aussi bien que des détails d’une légende mythique sur la mort violente qu’il aurait trouvée dans les envions de Naupacte, on a conclu, non sans quelque vraisemblance, quoique sans preuve positive, qu’il aurait été vénéré à titre de héros en Béotie et en Locride, de même qu’Homère l’était à Chhios. Il est sûr au moins que les provinces de la Grèce européenne, sans doute aussi la Phocide et l’Eubée, furent le théâtre sur lequel fleurit et se développa, dans toutes ses variétés, le genre de poésie dont il passe pour avoir été le créateur : lui-même nous raconte, dans les OEuvres et Jours, qu’il aurait une seule fois franchi la mer, pour aller d’Aulis à Chalcis en Eubée, prendre part aux jeux solennels tenus dans cette ville par les fils d’Amphidamas à l’occasion des funérailles de leur père ; qu’il y emporta le prix du chant, consistant en un trépied, consacré par lui plus tard aux Muses héliconiades, dans le lieu même où elles l’avaient visité de leur première inspiration. Ce récit, déjà suspect en soi, fut orné dans la suite de circonstances de plus en plus fabuleuses, et devint à la fin le petit roman de la basse antiquité, que

nous avons sous le titre de Combat d’Homère et d’Hésiode (Όμήρου καί Ήσίοδου). S’il y a quelque chose d’historique dans cette lutte supposée entre les deux illustres maîtres de l’épopée grecque, c’est le contraste, non moins réel que l’affinité, des deux genres poétiques qu’ils représentent ; c’est tout au plus, comme on l’a conjecturé, la rivalité des deux écoles qui procédèrent de l’un et de l’autre, rivalité où l’avantage put demeurer parfois aux rhapsodes hésiodiques. Que, du reste, Homère et Hésiode aient été contemporains, qu’ils aient appartenu à la même famille, et que leur commune généalogie remonte jusqu’à Orphée ou jusqu’à tel autre des chantres mythiques de la Thrace, c’est ce qu’on ne peut admettre qu’à titre de rapprochements plus ou moins hasardés, nullement de traditions authentiques. L’antiquité en était, comme nous, réduite à des inductions et à des hypothèses sur l’époque où avaient paru les deux premiers poètes dont elle eût conservé les ouvrages ; et le nombre de ces ouvrages mis successivement sur leur compte, les dates évidemment différentes qu’ils portaient en eux-mêmes, les matériaux non moins divers qui s’y trouvaient employés, ne laissaient pas que de compliquer beaucoup la question. De là Hésiode tantôt plus ancien, tantôt plus récent qu’Homère, aussi bien que son contemporain ; de là son existence reculée jusqu’au douzième siècle avant notre ère, ou descendant jusqu’au septième ; de là, par exemple, Stésichore, le poète lyrique d’Himère, donné pour son fils. Hérodote, prenant une sorte de milieu, mais nommant encore Hésiode avant Homère, les place l’un et l’autre quatre cents années avant sa naissance, c’est-à-dire au commencement du neuvième siècle. Les critiques d’Alexandrie crurent, au contraire, avoir de bonnes raisons pour mettre entre eux un assez long intervalle, se fondant principalement sur la comparaison, dans le fond et dans la forme, des plus anciens et des plus authentiques parmi les poèmes qui leur étaient attribués. Ils remontèrent Homère d’un siècle ou davantage, et rapprochèrent Hésiode de l’ère des olympiades, déclarant leurs dates et leurs origines, conséquemment leurs patries, aussi différentes que les caractères de leur poésie aux yeux des connaisseurs.

Tout dans les ouvrages qui nous sont parvenus sous le nom d’Hésiode, à commencer par les Œuvres et Jours (Έργα καί ήμέραι), le plus autorisé, semble venir à l’appui de cette opinion, bien qu’elle puisse à la rigueur se concilier avec celle d’Hérodote, en ce sens qu’Homère et Hésiode représentent, dans ce qu’ils ont de commun, un seul et même grand développement de la poésie grecque, encore exclusivement épique, et dans leurs différences, les phases distinctes et les divers théâtres de ce développement : en Ionie, l’épopée héroïque ou historique, en Béotie l’épopée morale et didactique. Le chantre d’As-