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Arnoul Gresban[1] ? Qu’il fût déjà ou ne fût pas encore pourvu de son canonicat du Mans, sans doute il venait d’y traiter avec l’échevinage pour une copie de son Mystère, et en dirigeait alors dans cette ville les représentations. On ne pourra bien juger La Passion d’A. Gresban que lorsqu’elle sera publiée, comme elle doit l’être par MM. Gh. d’Héricault et L. Moland (3 vol., Bibl. Elzev.). On y trouvera, comme dans tous les mystères, bien des longueurs et bien des répétitions : l’ouvrage a environ 25, 000 vers. Mais qu’est-ce auprès de La Passion de Jean Michel, qui en a le double ? On y rencontrera plus d’un trait de mauvais goût ; mais on n’y sera pas sans cesse choqué par les ordures que Jean Michel se plaît à faire débiter par les démons et par les bourreaux, de Jésus, et l’on y reconnaîtra plus de naturel et de naïveté. Outre son Mystère, Arnoul Gresban avait composé plusieurs pièces de poésie. Guill. Tory, dans son Champ fleury, cite de lui une complainte, et ajoute, d’après « l’auteur du vieux Art poétique françois », que « cet Arnoul fut le premier inventeur en France de cette manière de rime, qui n’est pas pauvre ».

Simon Gresban fut moine de Saint-Riquier (Ponthieu) et secrétaire du comte du Maine, Charles d’Anjou. Tout ce que l’on sait sur sa vie, c’est qu’elle s’est prolongée au moins jusqu’en 1461 : car il a publié plusieurs « Epitaphes sur la mort du roi de France Charles VII[2], écrits en forme d’églogue ou pastorale » (La Croix du Maine). On a encore de lui des Élégies, des Complaintes, des Déplorations ; deux poèmes intitulés : l’un La Création du Monde, l’autre La Sphère du Monde, ou les vertus de l’espèce, du monde ; une traduction d’un ouvrage latin, Le Cueur de Philosophie ; enfin, Le triumphant Mystère des Actes des Apostres, translaté fidèlement de la vérité historiale, ordonné par personnages, etc. C’est le seul de ses ouvrages dont on se souvienne aujourd’hui. Simon Gresban ne vit pas plus que son frère son Mystère publié de son vivant ; son drame n’a pas échappé non plus aux remaniements ; mais enfin, si son œuvre a été altérée, sa réputation est restée entière, tant qu’a duré la vogue de ces sortes d’ouvrages. La Passion de Jean Michel une fois imprimée a fait oublier celle d’Arnoul Gresban ; Le Mystère des Actes des Apôtres, à travers bien des modifications sans doute, est resté jusqu’au moment de l’impression tel que l’avait conçu Simon Gresban, et c’est à lui’que le Prologue de l’édition de 1540 en reporte l’honneur :

De tous ces jeux un plus beau ne peus lire :
Simon Gresban, bon poète estimé
Mesme en son temps, print peine de l’escrire,
Comme le vois, moult doulcement rithmé.

Divers témoignages nous apprennent que ce, mystère fut représenté de 1536 à 1541, à Bourges, à Tours, au Mans, à Angers, à Paris : évidemment il n’avait cessé depuis sa composition, c’est-à-dire depuis près d’un siècle, d’être joué à diverses époques, dans les principales villes de France. Si l’on veut avoir une idée de l’appareil déployé pour ces sortes de représentations, il faut lire la Relation de l’ordre de la triomphante et magnifique monstre du Mystère des Actes des Apostres, qui a eu lieu à Bourges le dernier jour d’avril 1536, par J. Thibaust (Bourges, 1836, in-8o). — On distingue quatre éditions de cet ouvrage. La première a pour titre : Le Triomphant Mystère des Actes des Apôtres ; Paris, N. Couteau, 2 vol. in-fol. Elle est précédée d’un privilège accordé à G. Alabat, « marchant demeurant à Bourges », et daté de 1536 ; on y lit une Préface où G. Alabat dit « avoir fait iceulx Actes diligemment reveoir et confermer par la sentence et jugement de docteurs sçavants es saintes lettres » ; le verso de l’avant-dernier feuillet indique P. Curet comme l’un de ces correcteurs. Le titre de la deuxième et de la troisième édition est le même ; mais la deuxième est un volume in-fol., sans date ni, lieu d’impression (le privilège’, qui s’y trouve, atteste au moins qu’elle n’est pas antérieure à 1536) ; la troisième fut publiée par Arn. et Ch. Les Angeliers ; Paris, 1540, 2 vol. in-4o. Enfin, la quatrième, dont le titre est un peu plus étendu que celui des précédentes éditions, et qui est de 1541 (Paris, Les Angeliers, 3 vol. in-fol.), contient, outre les Actes des Apôtres, le Mystère de l’Apocalypse, par L. Chocquet : c’est pour cette raison l’édition la plus recherchée ; mais on n’y trouve pas les Tables et le Prologue. Il existe entre ces diverses éditions un certain nombre de différences, qui tiennent aux remaniements que subit l’œuvre de Simon Gresban ; la première de ces éditions nous est indiquée comme publiée avec les corrections, de P. Curet ; à ces corrections succédèrent’d’autres corrections et quelques additions, lesquelles venaient surtout des troupes d’acteurs, jalouses d’apporter au mystère des changements capables de leur donner sur cet ouvrage un droit de propriété. C’est ce que l’on peut voir par un arrêt du parlement de Paris, inséré dans l’édition de 1541 : le parlement, après un procès entre G. Alabat et Les Angeliers, ses associés, d’une part, et de l’autre les maistres et entrepreneurs du jeu du Mystère des Actes des Apostres en ceste ville de Paris, fit « inhibitions et défenses aux dicts entrepreneurs d’im-

  1. Le manuscrit 7206-2, ancien fonds français ou fonds du roi, contient le myslère d’Arnoul Gresban. Il y est dit que ce mystère avait été « composé par Arnoul Gresban, notable bachelier en théologie, à la requeste d’accouns de Paris » ( voy. Bibliothèque de l’École des Chartes, 1842, t. III, p. 453).
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  2. Le roi Charles VII mourut le 22 juillet 1461. Ces épitaphes existent manuscrites à la Bibliothèque impériale. En 1468 Simon Gresban vivait encore. Il figure sous cette date parmi les officiers de Charles d’Anjou, comte du Maine (M. 2340, supplément français, page 708).
    V. de V.