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Tseu comme des pratiques louables et nullement opposées aux dogmes catholiques. Considérant que l’intention régit le fait {voyez Escobau), ils n’eurent aucun scrupule de se servir des deux termes chinois thian et chang-ti pour désigner le Dieu des chrétiens, et permirent aux néophytes chinois de continuer leurs pratiques, pourvu toutefois qu’ils se soumissent au baptême , acceptassent le nom de chrétiens et reconnussent la suprématie de leurs rénovateurs. Ils firent ainsi de nombreuses et faciles conversions. Les dominicains, presque tous Portugais et peu lettrés, furent moins accommodants. La dispute s’envenima, et les deux ordres en référèrent à l’empereur Khang-fli. « L’empereur, rapporte le P. Charles Le Gobien (1), envoya aux Pères jésuites quelques officiers de son palais, qui leur dirent les choses du monde les plus affligeantes; car après avoir fait cent railleries de la religion, qu’ils accompagnaient de grands éclats de rire, ils dirent à peu près ce que le Livre de la Sagesse met dans la bouche des impies : — « C’est bien à nous à nous mêler des intérêts des dieux ! ne sont-ils pas assez puissants pour vider leurs querelles s’ils en ont? Ils se moquent bien de nos vains efforts et des peines inutiles que nous nous donnons pour eux. Croyez-nous, votre Dieu et Fo ne se mettent guère en peine de ce qui se passe ici-bas ; contents d’être là-haut et d’y jouir en paix et à leur aise de leur divinité, ils ne font nulle attention à nos affaires, qui ne les regardent pas. « — Cependant, le jeune empereur tartare donna raison aux interprétations des jésuites. Les dominicains en appelèrent alors au pape Clément XI, qui décida en faveur de leur orthodoxie. La querelle se ranima plus vive que jamais en Chine. Ces dissentiments inspirèrent aux mandarins lettrés et à l’empereur lui-même des sentiments peu favorables pour la doctrine nouvelle : ils ne s’expliquaient pas ces rivalités entre missionnaires venant prêcher la même foi chez des peuples étrangers. « Comment voulez-vous, répondaient-ils aux jésuites et à leurs adversaires , que nous ajoutions foi à ce que vous nous prêchez comme la vérité, lorsque vous-mêmes vous ne vous accordez pas entre vous ? » Froissard ne vit pas la fin de ce schisme; jeune encore, il mourut d’une fièvre maligne. Il n’a laissé que quelques fragments imparfaits de traductions des principaux livres chinois. Alfred nE Lâcazb.

liC p. d’EntrecoUes , Lettre au marquis de Broissia, Insérée dans le Recueil des Lettres édifiantes, t. XVlll , p. 56. — Le P. Charles Le Gobien , Histoire de l’édit de l’empereur de la Ckine en faveur de la religion chrétienne ; Paris , 1698, ln-12. — De Mailla, Histoire générale de la Chine, traduite de Mezzabarba , t. XI. — G-Pauthler, Ckine , dans V Univers pittoresque.

FROISSART (Jean) célèbre chroniqueur français, né à Valenciennes, en 1337 (2), mort (11 Page 114.

(2) Et non en 1333. La date 1337, qui paraît contredite Oar un seul passage de la Chronique (t, III, c. 70), est à Chimay,,vers 1410. Bien qu’il nous ait appris les plus petites circonstances de sa vie, il n’a rien dit de sa famille. On peut seulement conjecturer, d’après quelques-uns de ses vers, que son père, nommé Thomas, était peintre d’armoiries. Il fut dès son enfânce destiné à l’église. Ses penchants semblaient cependant l’éloigner de la carrière ecclésiastique ; lui-même avoue naïvement que sa jeunesse fut très-dissipée, et l’âge mûr ne changea point ses goûts : En mon jouvent, dlt-ll, tous tels estole Que trop volontiers m’csbutole;

Et tel que fui, encor le sui

Très que n’ayoie que douze ans

Estoie forment goulousans

., De veslr danses et carolles,

D’oïr ménestrels et parolles

Qui s’apertiennent à déduit.

Et de ma nature introduit

D’amer par amour tous ceauls

Qui aiment et chiens et oiseauls; Et quant on me mlst à l’escole

Où les Ignorans on escole,

11 y avolt de pucelettes

Qui de mon temps èrent jonettes

Et me semblolt à voir enquerre

Grand proëce à leur grâce acquerre.... Et lors dévisoie à part ml :

Quand revendra le temps por mi

Que par amor porai amer

Et dans un autre endroit :

Et si destoupe mes oreilles,

Quand j’oi vin verser de bouteilles, Car au boire prens grand plaisir. Aussi fais en beaux draps vestlr, En viande fresche et nouvelle,

violettes en leurs saisons,

Et roses blanches et vermeilles

Vol volontiers, car c’est raisons.... Cette confession est explicite. On voit que la chasse, la musique, les joyeuses assemblées, les danses, la parure, la bonne chère, le vin et les dames tinrent de bonne heure une grande place dans la vie de Froissart. Mais il trouva aussi du temps pour l’étude ; d’ailleurs son esprit, vif, curieux, inquiet , toujours en quête de beaux faits d’armes et d’amusants récits, sa mémoire prodigieuse, le dispensaient des longues recherches de l’érudition. Il devait être non l’historien grave, mais l’amusant et poétique chroniqueur de son temps. Chez lui la passion d’écouter et de faire des récits fut aussi précoce que le goût des plaisirs. 11 n’avait pas vingt ans lorsque, à la prière « de son cher seigneur et maître messire Robert de Namur, chevalier seigneur de Beaufort », il entreprit d’écrire l’histoire des guerres de son temps, particulièrement de celles qui suivirent la bataille de Poitiers. Lorsqu’il eut achevé la première partie de sa Chronique { 1326-1340), qu’il avait « fondée et ordonnée sur celles qu’avait jadis faites et rassemblées vénérable homme et discret seigneur monseigneur Jehan Le Bel (1) », il partit pour fondée sur plusieurs passages, soit de la Chronique, soit des Poésies de Froissart.

(1) Les Chroniques de Jehan Le Bel, chanoine de Saint-Lambert de Liège, ont été récemment découvertes et publiées iiar M, Polain, arcbtrlslc de la province de Liège