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reçut au bout de quelques jours l’avis de son remplacement provisoire et l’ordre de se rendre en Espagne pour se justifier des accusations portées contre lui. Il n’obéit pas immédiatement, dans l’espoir que cet ordre serait révoqué ; mais le voyant maintenu et se trouvant même exposé aux vexations des commissaires envoyés d’Espagne, il partit accompagné de son fidèle Sandoval et de plusieurs chefs aztèques et tlascalans. Il aborda au port de Palos, en mai 1528, là où Colomb avait débarqué trente-cinq ans auparavant après avoir découvert le Nouveau Monde. Il y rencontra François Pizarre. Le futur conquérant du Pérou venait solliciter de nouveau l’appui du gouvernement espagnol. Cortés se reposa quelques jours au couvent de la Rabida, et partit pour Tolède. Son voyage fut un triomphe continuel. Jamais depuis le retour de Colomb on n’avait vu un pareil spectacle. Charles-Quint combla d’honneurs le conquérant, le nomma, au mois de juillet 1529, marquis de la vallée d’Oaxaca, capitaine général de la Nouvelle-Espagne et des côtes de la mer du Sud ; mais il ne lui rendit pas le gouvernement civil du Mexique. De retour dans ce pays, au mois de juillet 1530, Cortés se vit bientôt en butte à l’animosité de l’ audienciareale. Il reprit alors avec une nouvelle ardeur la recherche d’un passage entre les deux mers ; il fit explorer d’abord l’isthme de Darien et les côtes orientales de l’Amérique du Nord. Tous les bâtiments qu’il envoya dans cette direction périrent successivement. Affligé de ces mauvais résultats, il prit lui-même, en 1536, le commandement d’une nouvelle expédition. S’il ne rencontra pas le passage tant cherché, il découvrit la Californie, et navigua dans cette mer intérieure qui porte le nom de Vermeille, et qui devrait s’appeler plutôt la mer de Cortés. Ces diverses entreprises lui coûtèrent trois cent mille castellanos d’or, sans lui produire un ducat. Pendant cette dernière expédition il apprit l’arrivée à Mexico du vice-roi Mendoza. C’était le dernier coup porté à son autorité. Il résolut, en 1540, de repasser en Espagne pour revendiquer ses droits de capitaine général et réclamer le remboursement des sommes dépensées dans ses dernières entreprises. Ce second voyage fut bien différent du premier. De nouveaux conquérants avaient fait oublier le vainqueur de Guatemozin : l’or du Pérou éclipsait les produits, jusque là assez modiques, des mines du Mexique. Cortés était vieux d’ailleurs, et n’était plus heureux ; la cour, qui n’espérait rien de lui, l’accueillit avec froideur. En 1541 le marquis de la Vallée, comme on l’appelait, alla rejoindre l’empereur au siège d’Alger. Il fit naufrage sur la côte, se sauva à la nage, et perdit des pierres précieuses d’un prix inestimable. On sait quelle fut l’issue de cette entreprise. Cortés, qui offrait d’enlever la place, tout en regrettant de ne pas avoir à ses côtés une poignée de ses vétérans qui l’avaient aidé à conquérir le Mexique, ne fut pas même admis au con-


seil qui décida la levée du siège ([1]). Il continua pendant six ans de languir à la cour, espérant toujours la solution de son procès, sans la voir jamais arriver. Enfin, las de cette stérile et humiliante position, il résolut de retourner au Mexique ; mais avant d’avoir quitté son ingrate patrie il mourut, dans un petit village près de Séville. Il légua ses propriétés à son fils don Martin, et pourvut libéralement aux besoins de ses autres enfants. Il consacra aussi des sommes considérables à des œuvres de charité, et ordonna que tous les revenus de ses biens de Mexico seraient appliqués à l’établissement et à la dotation de trois grandes institutions publiques, savoir : dans la capitale, un hôpital dédié à Notre-Dame de la Conception ; à Cojohuacan, un collége pour l’éducation des missionnaires destinés à prêcher l’Évangile ; et un couvent de femmes. Par d’autres clauses, il recommandait de traiter les Indiens avec justice et humanité ; il ajoutait ces paroles remarquables : « C’est depuis longtemps une grande question de savoir si l’on peut, en bonne conscience, posséder des esclaves indiens. Cette question n’ayant pas encore été décidée, j’ordonne à mon fils Martin et à ses héritiers de n’épargner aucune peine pour arriver à la connaissance de la vérité sur ce point, car c’est un sujet qui intéresse profondément leur conscience et la mienne. » Ce scrupule est un dernier témoignage de l’esprit profondément religieux du conquistador. Les restes de Cortés, déposés dans le caveau de la famille du duc de Médina-Sidonia, furent transportés en 1562 dans la Nouvelle-Espagne, et placés dans le monastère de Saint-François à Tezcuco. Ils furent transférés à Mexico en 1629, dans l’église de Saint-François puis dans l’hôpital de Jésus de Nazareth en 1794. En 1823 la populace républicaine de la capitale, pour célébrer l’ère de l’indépendance nationale, résolut de briser la tombe qui renfermait les cendres du conquérant et de les jeter au vent. Quelques amis de la famille entrèrent dans le caveau pendant la nuit et enlevèrent secrètement le corps, épargnant ainsi à la moderne Mexico l’infamie d’une pareille profanation. — Cortés s’était marié deux fois. Sa première femme, Catalina Xuarez, étant morte en 1524, il épousa, en 1529, dona Juana de Zunia, fille du second comte d’Aguilar et nièce du duc de Béjar. Il n’avait pas eu d’enfants de son premier mariage ; il en eut quatre du second, un fils, don Martin, héritier de ses honneurs et objet de persécutions plus acharnées que celles qu’avait subies son père ([2]), et trois filles, qui

  1. (1) Voltaire (Essai sur les mœurs, ch 147) raconte qu’un jour Cortés, ne pouvant obtenir une audience de l’empereur, écarta la foule qui entourait le carrosse royal, et monta sur le marchepied. Charles demandant quel était cet homme, celui-ci répondit : « Je suis l’homme qui vous a donné plus de royaumes que vos ancêtres ne vous ont laissé de villes. » Cette dramatique mais invraisemblable anecdote n’est attestée par aucun historien contemporain.
  2. (2) Don Martin Cortés, second marquis de la Vallée avait été accusé, comme son père, de vouloir se créer une souveraineté indépendante dans la Nouvelle Espagne. Ses

NOUV. BIOGR. GÉNÉ.. — T. XI. 31