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même qu’il l’aurait fait pendre sans l’intervention de quelques amis. Cortés, jeté dans les fers, s’échappa deux fois, fut deux fois repris, et ne recouvra la liberté qu’en épousant Catalina Xuarez. Sans être rétabli dans ses fonctions de secrétaire, il reçut un considérable repartimiento d’Indiens et un vaste territoire dans le voisinage de Santiago. Il fut bientôt nommé alcade de cette ville. Vivant presque toujours dans ses terres, il s’occupa d’agriculture avec plus de zèle qu’autrefois, et enrichit sa plantation de plusieurs espèces de bétail. Il ne négligea pas non plus l’exploitation des mines d’or tombées dans son lot. Il amassa ainsi en peu d’années trois mille castellanos, somme considérable dans sa position. « Dieu seul sait ce qu’il en coûta de vies indiennes ! s’écrie Las-Casas ; et il lui en demandera compte ! « Telle était l’existence de Cortés lorsque Alvarado rapporta la nouvelle des découvertes de Grijalva et les riches produits de son trafic avec les indigènes. Le gouverneur, décidé à poursuivre les nouvelles découvertes avec un armement considérable, ne cherchait qu’un homme assez riche pour partager les frais de l’expédition et capable de la commander. Il crut trouver l’un et l’autre dans Cortés, et le mandant au palais, il lui annonça son intention de le créer capitaine général de son armada.

A compter de ce jour la conduite de Cortés subit un changement complet. Ses idées se concentrèrent toutes sur un grand objet : il avait atteint le but constant de ses vœux. Désormais son ambition ne serait plus renfermée dans les limites d’une petite île. Il allait paraître sur un théâtre nouveau, avec une complète indépendance d’action. La perspective qui s’ouvrait devant lui était de nature à enflammer la double soif d’or et de renommée commune à tous les aventuriers du temps. Il consacra sa fortune à l’équipement d’une flotte, composée de six vaisseaux, dont plusieurs de grandes dimensions. Trois cents volontaires s’enrôlèrent en peu de jours, impatients de chercher fortune sous la bannière d’un chef hardi et populaire. Les instructions que Velasquez donna à son lieutenant ne furent point dictées par un esprit mercenaire. Le premier objet du voyage était de rejoindre Grijalva. Les deux commandants devaient ensuite agir de concert. Cordova, au retour de sa première visite au Yucatan, avait apporté la nouvelle que six chrétiens étaient retenus captifs dans l’intérieur du pays. On supposait qu’ils devaient être compagnons de l’infortuné Nicuessa. L’ordre était donné de le découvrir, s’il était possible. Mais le but principal de l’expédition étant de nouer des relations de commerce avec les indigènes, il fallait éviter de leur faire aucun tort et les traiter avec douceur et humanité. Cortés ne devait pas oublier que le roi d’Espagne avait surtout à cœur la conversion des Indiens. Il devait leur imprimer une haute idée de la grandeur et de la bonté de son royal maître, en les


invitant « à reconnaître sa suzeraineté, et à lui faire de beaux présents d’or, de perles, de pierres précieuses, afin d’obtenir, par ce témoignage de leurs bons sentiments, sa faveur et sa protection ». Il devait explorer avec soin la côte, sonder ses baies et l’embouchure de ses rivières, dans l’intérêt des futurs navigateurs ; chercher à connaître les produits naturels du pays, le caractère de ses différentes races, leurs institutions, leurs progrès, et envoyer une relation détaillée de tout cela au gouverneur, avec le produit des échanges.

Un incident imprévu faillit arrêter Cortés au début de l’entreprise. Velasquez, redoutant son ambition et cédant aux conseils de quelques envieux, résolut de lui enlever le commandement de la flottille. Cortés, averti à temps, leva l’ancre ; et au point du jour Velasquez, accouru sur le rivage, eut à peine le temps d’échanger quelques mots avec son lieutenant, qui fit voile aussitôt pour le port de Macaca (18 novembre 1518). De là il se dirigea vers la ville de La Trinité, où il arbora son étendard. Il fit, dans une proclamation, les offres les plus libérales aux personnes qui consentiraient à se joindre à lui. Des volontaires accoururent de tous côtés. Il vint plus de cent soldats de Grijalva, qui, de retour à peine de leur premier voyage, brûlaient de continuer leurs découvertes sous un chef plus entreprenant. On vit aussi arriver au camp un grand nombre de cavaliers nobles, entre autres Pedro de Alvarado et ses frères Christoval de Olid, Alonzo de Avila, Juan Velasquez de Léon, proche parent du gouverneur, Alonzo Fernandez de Puertocarrero et Gonzalo de Sandoval. Cortés déploya, malgré de nouveaux obstacles suscités par Velasquez , la plus grande activité pour l’achat des vivres et des munitions et l’acquisition d’autres vaisseaux. Pendant que son lieutenant Alvarado se dirigeait par terre vers La Havane avec un petit corps de soldats, Cortés s’y rendit avec sa flottille. Arrivé dans ce port, il arbora de nouveau son grand étendard de velours noir brodé d’or, portant une croix rouge au milieu de flammes bleues et blanches, et au-dessous cette légende, en latin : « Amis, suivons la Croix, et si nous avons la foi, nous vaincrons par ce signe. » Les préparatifs n’étaient pas encore achevés à La Havane, quand le commandant de la ville, don Pedro Barba, reçut à son tour de Velasquez l’ordre d’arrêter Cortés et de s’opposer au départ des vaisseaux. Cet officier n’avait ni la volonté ni le pouvoir d’exécuter un pareil ordre, et le 10 février 1519 la petite escadre leva l’ancre, et se dirigea vers le cap Saint-Antoine, lieu du rendez-vous. Quand tous les vaisseaux furent réunis, leur nombre s’élevait à onze. Celui que montait Cortés était de cent tonneaux ; il y en avait trois autres, de soixante-dix à quatre-vingts ; le reste se composait de caravelles et de brigantins non pontés. La flottille entière fut placée sous la direction d’Antonio Ala-