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leur véritable terme. Justin rapporte que ce conquérant soumit les Arestes, les Prasides, les Gansiarides, et qu’il porta ses armes dans le pays des Cuphites. Il fait mention de plusieurs autres peuples dont le nom est aussi inconnu que celui des Arestes ; ce qui vient peut-être de la corruption de son texte. L’itinéraire de Béton et de Diognète faisait mention, ainsi que d’autres historiens, des autels qui furent érigés par ordre d’Alexandre au delà de l’Hyphase, sur la rive orientale. Ils étaient au nombre de douze, consacrés aux douze anciens et premiers dieux. Arrien remarque qu’on les avait construits aussi hauts mais plus larges que des tours. Diodore prétend qu’ils avaient cinquante coudées d’élévation. Philostrate raconte qu’Apollonius de Tyane découvrit ces autels à trente stades des bords de l’Hyphase, et qu’on y lisait encore ces mots : A Ammon, mon père ; à Hercule, à Minerve Pronoia, à Jupiter-Olympien, aux Cabires de Samothrace, au soleil des Indes, et à mon frère Apollon.

Toutes les villes qu’Alexandre fonda dans les différentes régions qu’il parcourut doivent être regardées comme autant de trophées, en prenant le mot dans un sens figuré et plus étendu. Plutarque dit que le vainqueur de l’Asie parsema cette partie du monde de colonies grecques, et que le nombre des villes qu’il y fit bâtir s’élevait à plus de soixante-dix. Il paraît qu’Aristote lui écrivit sur ce sujet une lettre que nous avons malheureusement perdue. Diodore prétend qu’Alexandre bâtit, près du Parapomise, plusieurs villes qui n’étaient éloignées les unes des autres que d’un jour de chemin. Bucéphalie dut son nom au fameux cheval que ce prince montait, et qui mourut dans ces contrées. Patamon de Lesbos racontait que ce prince fit construire une autre ville qui portait le nom de Périte, son chien favori. Etienne de Byzance parle de dix-huit Alexandries, dont une était située dans l’île de Chypre, où le conquérant n’avait jamais été.

Après avoir élevé des autels sur les rives de l’Hyphase, Alexandre donna des jeux gymniques et des courses de chevaux ; il revint ensuite sur ses pas, traversa une seconde fois l’Hydraote et l’Acésines, et arriva à l’Hydaspe. Là il fit rassembler ou construire près de deux mille bateaux, sur lesquels il embarqua son armée, et descendit jusqu’à l’Indus (1)[1]. Alexandre ayant fait approcher du rivage ses bâtiments pour les réparer, marcha avec ses troupes contre les Malliens, qui furent défaits, mais non soumis : voulant emporter d’assaut une de leurs villes, il fut grièvement blessé, et n’échappa à la mort que par le courage de Peuceste. Après avoir subjugué les Malliens et fait prisonnier Oxycan, qui s’était déclaré contre lui, il tomba à l’improviste sur Musican, et le força à se soumettre. Mais celui-ci, ayant repris les armes, fut vaincu par Python, et mis

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en croix par ordre d’Alexandre, avec les brachmanes qui l’avaient engagé à se révolter.

A l’arrivée des Macédoniens dans la Pattalène, l’Océan s’offrit pour la première fois à leurs regards. Leur flotte était encore dans l’Indus près du rivage, lorsqu’ils sentirent les effets du flux et du reflux, qu’Arrien décrit en ces termes : « La flotte demeura à sec, ce qui avait été jusqu’alors inconnu aux soldats d’Alexandre et les étonna beaucoup ; leur surprise augmenta encore à l’heure où le flux arrive. Les vaisseaux, bien mouillés sur un fond de vase, s’élevèrent sans aucune avarie qui pût les empêcher de naviguer ; tandis que par la force de la marée les bâtiments, mal assurés sur un fond de sable, tombant les uns sur les autres, ou se heurtant contre la terre, se brisèrent. La nuit se passa en observations de la part d’Alexandre, et au jour on annonça le retour de la marée, qui commença à soulever les vaisseaux ; et bientôt après, inondant les campagnes, elle remit la flotte en mouvement. La joie fut aussi vive que la frayeur avait été grande. Les Macédoniens allèrent mouiller au large, pour éviter désormais de pareilles crises (1)[2]. »

Arrivé aux bouches de l’Indus, Alexandre divisa son armée en trois corps : il donna l’un à Cratère, avec ordre de retourner vers l’Hydaspe ; ensuite, de venir par l’Arachosie et la Drangiane le joindre dans la Carmanie. Il fit embarquer le second corps sur la flotte que Néarque conduisait, et se mit lui-même en marche avec le troisième à travers le pays des Orites et la Gédrosie. Il ne craignit pas de s’avancer dans une contrée déserte et aride, dans l’espoir que les puits creusés par ses ordres fourniraient suffisamment de l’eau à son armée ; mais il n’observa point que les vents étésiens (la mousson), faisant pleuvoir l’été dans ces contrées, n’y soufflaient pas l’hiver, et qu’alors toutes les sources, les rivières, les citernes même, se desséchaient (2)[3]. Il s’exposa donc par cette faute aux plus grands dangers. Il n’eut bientôt d’autres ressources que l’eau des puits creusés à des distances plus ou moins éloignées, et le fruit de quelques palmiers, ressources auxquelles il dut néanmoins son salut. Mais beaucoup de ses soldats périrent de fatigues et de maladies.

Alexandre était fort avancé dans la Gédrosie lorsque des satrapes perses lui envoyèrent des vivres sur des chameaux et autres bêtes de charge : toutes celles de l’armée avaient péri. Avec ce secours il parvint dans la Carmanie, pays gras et fertile, où il crut devoir se livrer à la joie, mais non telle que plusieurs historiens, surtout Quinte-Curce, ont pris plaisir à l’imaginer. Selon ces historiens, tous les Macédoniens, couronnés de fleurs et de lierre, marchèrent au son de la lyre et des trompettes pendant sept

  1. (1) Arrien, VI, 2.
  2. (1) Arrien, VI, 19.
  3. (2) Strabon, XV, 486.