Page:Hoefer - Biographie, Tome 1.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307 ADRIEN 308


présentent de face la tête d’Adrien ; au revers, un licteur met, à l’aide d’une torche, le feu à des monceaux de papier. L’exergue porte : reliqua. vetera. bs. novies. mill. abolita. s. c. C’est dans la seconde année de sa puissance tribunitienne, c’est-à-dire de son avènement à l’empire ([1]), qu’Adrien avait ainsi renoncé à des remboursements que le peuple, épuisé par les guerres continuelles de Trajan, aurait eu sans doute beaucoup de peine à effectuer. Il avait mis un an à se rendre à Rome en passant par l’Illyrie, et déjà il avait à se faire pardonner non-seulement la perte des provinces qu’il venait d’abandonner, mais la mort de quatre personnages consulaires, exécutés sous un prétexte de complot qui ne fut jamais prouvé. La manière barbare dont furent traités ces hommes, l’honneur du sénat, démentit d’une manière cruelle les premières démarches d’Adrien en faveur d’un ordre auquel il semblait vouloir rendre son lustre et son indépendance. Dès son avènement, il avait écrit d’Antioche aux sénateurs, s’excusant sur l’empressement des soldats de n’avoir pas attendu leur délibération pour prendre en main le pouvoir, et les suppliant de confirmer son élection. Il avait refusé le triomphe que le sénat voulait lui décerner, et avait déclaré qu’il ne se croyait pas encore digne du titre de père de la patrie qu’on lui avait pareillement offert. Il ne parlait qu’avec mépris des princes qui n’avaient pas su respecter la majesté du sénat ; et tout à coup le voilà qui viole en la personne de quatre membres de cet ordre, non-seulement le respect dont il faisait parade, mais les lois de la justice. C’est qu’il atteignait ainsi Cornélius Palma, L. Publilius Celsus, Domitius Nigrinus et Lusius Quiétus, c’est-à-dire quatre hommes que Trajan avait estimés entre tous, qu’il avait placés sans doute sur cette liste de ses successeurs qu’il voulait offrir au choix du sénat, et qui se trouvaient ainsi désignés à la vengeance de leur heureux rival. Quoi qu’il en soit, Adrien répudia l’horreur de ces exécutions : il écrivit à Rome (car il était alors en Illyrie) qu’elles avaient eu lieu sans ses ordres ; et nous venons de voir qu’il ne crut pas acheter trop cher l’oubli de sa cruauté en le payant de neuf cents millions de sesterces. Puis les congiaires, les distributions de blé, les pensions alimentaires assignées par Trajan aux enfants des deux sexes dont les parents n’avaient pas de fortune, furent augmentés dans le même but : des sénateurs qui avaient perdu une partie de leur fortune virent l’empereur compléter le cens qu’exigeait leur dignité, et le peuple eut des jeux où mille bêtes féroces furent tuées dans le cirque.

En même temps tout bruit de guerre s’éteignait : Adrien achetait la paix du roi des Roxolans ; Marcius Turbo, envoyé en Mauritanie, en


apaisait les troubles, et le calme renaissait en Égypte. Ce fut alors que l’empereur commença cette série de voyages pendant lesquels il visita toutes les provinces de son vaste empire, fondant des villes, élevant des temples, dictant des lois. Ce fut alors qu’attiré tour à tour par les merveilles des arts, par les curiosités naturelles, il alla contempler au sommet de l’Etna la profondeur de son cratère ; qu’il voulut en Syrie voir lever le soleil du haut du mont Cassins, et que, remontant jusqu’aux cataractes du Nil en Égypte, il prêta l’oreille aux sons que devait rendre la statue de Memnon, quand elle était frappée par les premières lueurs du jour. Nous avons les médailles de vingt-cinq contrées qu’il parcourut ; car chacune d’elles s’empressa de consacrer ainsi le souvenir de sa visite : mais malheureusement elles ne nous donnent aucun document sur l’ordre chronologique de ses expéditions. En l’an de Rome 872 (de Jésus-Christ 119), Adrien prit son troisième consulat ; et comme il n’en voulut jamais exercer un autre, comme d’autre part il n’indiqua pas sur ses monnaies la date de la puissance tribunitienne, nous n’avons aucun moyen de décider l’ordre de leur émission pendant l’intervalle des dix-neuf années qui s’écoulèrent entre le troisième consulat d’Adrien et sa mort, attendu que les légendes de ces médailles lui donnent d’une manière identique le titre de consul pour la troisième fois ([2]). Les monuments épigraphiques que nous avons rassemblés, et les notions éparses dans les historiens, nous permettront toutefois de suppléer en partie au silence de la numismatique. Ce fut par les Gaules qu’il commença ses voyages (de Jésus-Christ 120), et il ne les quitta pas, dit Spartien, sans y laisser des marques de sa libéralité ; de là il passa en Germanie, et en présence de ces légions toujours à portée de l’ennemi, toujours sur le pied de guerre, il sut, oubliant les arts de la paix, se montrer habile tacticien, soldat infatigable. Vivant comme un simple légionnaire, nourri de lard, de fromage et de piquette, il apprenait à ses hommes à supporter la fatigue, marchant tête nue sous les frimas, et faisant vingt milles, chargé du poids de ses armes. Point d’or sur ses vêtements, point de pierreries aux agrafes de son manteau : une poignée d’ivoire à sa lourde épée, voilà tout son luxe. Puis il visitait dans leurs quartiers les soldats malades, il n’accordait le sarment de centurion qu’à ceux qui s’en étaient rendus dignes par leur bonne conduite, ne permettait pas qu’on fût tribun avant l’âge ([3]), ne voulait pas qu’il y eût dans le camp (ce qui était trop commun alors) un seul soldat trop jeune pour le ser-

  1. (1) Voyez l’inscription citée plus haut.
  2. (1) Voyez Eckhel, Doct. N. V., t. vi, p. 479.
  3. (2) Les règlements qu’il fit à ce sujet étaient encore en vigueur plus de cent cinquante ans après sa mort. Vopiscus nous a conservé une lettre de l’empereur Valérien à son préfet du prétoire, dans laquelle il dit : « Miraris fortassis, quod ego imberbem tribunum fecerim, contra constitutum divi Adriani, » (Voyez la Vie de Probus par Flavius Vopisque, ch. iv.