Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/96

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ments le petit-lait ichoreux de leur cervelle, des carapaces volent en miettes, des yeux sont exorbités, une gelée mousseuse gicle et retombe en viscosités où mes brodequins glissent et tournent… Mais je suis à bout de force, à bout de souffle, assourdi par les coups de piston de mes propres artères ; et l’haleine fécale des monstres me brouille le cœur…

Je ferme les yeux pour ne plus rien voir, et tout à coup je les rouvre…

Un feu de salve vient d’ébranler les airs tout là-bas, au haut de la pente où dévale le flot hurleur, puis une succession d’appels profonds, lugubres, comme ceux d’un gong puissant, fait résonner les parois de la gorge. Le tumulte des Immondes s’est apaisé comme par enchantement. Aussi loin que mon regard peut porter, leurs vagues ondulantes semblent retombées à plat. Au premier coup de gong, j’ai senti se relâcher, se desserrer les odieuses étreintes qui polluaient mon corps et paralysaient mes membres. Le gigantesque serpent d’êtres en délire qui se tordait d’un bout à l’autre du défilé s’est immobilisé net, ses anneaux, qui grouillaient encore la minute d’avant, se figent, on le dirait grisé par les sons formidables qui font trembler et gémir l’air… Une nouvelle bordée de