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vous qu’une de ces petites filles — la plus jolie certes et la plus endiablée, — jouerait peut-être à cette heure encore au même jeu insipide si mon arrière-pensée n’avait brusquement coupé l’orbe de son puéril destin pour faire d’elle une femme, — ma femme — et représentez-vous la colère de cette petite fille dont je confisque la balle en lui donnant un million en échange — un million que je lui assurais sous forme de douaire pour me faire pardonner et mon âge et le sien. Que voulez vous, j’avais été tellement habitué à tout payer au poids de l’or, que, voulant faire une fin, l’idée m’était venue tout naturellement, d’acheter celle qui embellirait ma retraite, plutôt que de pourchasser, des années durant, la chance bien improbable d’en trouver une susceptible de m’aimer pour moi-même. Ma femme n’avait que dix-huit ans pourtant. Mais ce n’est pas impunément qu’on est dans la vie d’une jeune fille celui qui vient clore prématurément, et peut être un peu despotiquement, l’ère des jeux innocents. Elle me le fit comprendre le soir même de nos noces, en me disant avec le plus grand calme du monde :

— Je serai votre femme puisque c’est mon devoir de l’être, et puisque j’ai dû consentir au marché auquel vous avez en quelque sorte