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extasiés. Mon visage était déshonoré par une barbe indécemment touffue et broussailleuse puisque forcément inculte, une vraie barbe de dieu assyrien, et qui m’eût dégouté de moi-même si un quelconque miroir eût pu me renvoyer mon image. Elle était pourtant, cette barbe, le point de mire des susdites paires d’yeux, l’objet rituel de leur admiration déférente et humiliée. Et sans doute ce dernier adjectif renfermait-il la clef du respect que j’inspirais à ces êtres abominablement, invraisemblablement glabres, — glabres au point qu’on eût pu compter à l’œil nu les grains d’ailleurs grossiers de leur peau tannée et cuite au soleil. Vous verrez plus tard que je ne me trompais qu’à moitié.

D’emblée, le chef m’offrait la plus large hospitalité au pays Pur (son pays) situé à deux kilomètres environ en amont de la rivière. Bien entendu je ne me fis pas prier pour accepter.

En peu de mots il fut convenu qu’il m’attendrait avec les siens sur la petite berge tandis que j’irais chercher ma femme au campement. Je dois noter au passage cette particularité éminemment curieuse, que le mot femme semblait lui écorcher les lèvres ; lui-même ne s’en servit qu’après me l’avoir entendu prononcer plusieurs fois et avec l’hésitation d’un écolier