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hissait ma mémoire avec cette force et cette douceur inhérentes aux retours de conscience qui suivent certaines inhibitions cauchemaresques. Je revécus le charme de son premier baiser tendre, celui qu’elle m’avait donné au front tantôt, au moment où je la quittais, et je sentis que mon devoir, devant les périls inconnus qui nous guettaient, était de retourner immédiatement auprès d’elle et de ne plus la quitter.

Sans perdre une minute cette fois, je rebroussai chemin. Je m’apprêtais à retraverser les rapides, quand, à ma grande consternation, je m’aperçus que le gué n’existait plus. Les roches demi-immergées seulement à l’aide desquelles j’avais franchi la rivière en quelques bonds, semblaient avoir été arrachées et culbutées le long du lit, vers des fonds vaseux qui les avaient englouties. Mais c’était là une besogne de Titan, et les êtres débiles somme toute que j’avais vus n’eussent pu, en dépit de leurs multiples organes de préhension, l’accomplir en si peu de temps.

Les inductions de plus en plus décourageantes que je tirai de ce nouveau mystère s’augmentèrent bientôt de l’angoisse que me causa un sondage sommaire des eaux ; leur profondeur était telle à l’endroit où je me trouvais qu’il ne fallait pas songer à traverser autrement