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ment, s’élança vers la passe de sortie. Notre timonier avait trouvé à bord des vêtements confortables, et de quoi se restaurer amplement. La soute aux liqueurs renfermait même d’excellent vin vieux fabriqué de toutes pièces par les chimistes et que nous n’hésitâmes pas à mettre à contribution, faute d’eau, et si suspect que son goût pût nous paraître. Nos derniers moments à terre avaient été consacrés à l’immersion de tous les cadavres d’Européens. Seuls ceux des deux savants furent transportés à bord pour être immergés au large. Nous leur rendîmes ce suprême devoir sitôt que le yacht eût gagné la haute mer, et je méditai longuement sur la destinée féroce qui faisait disparaître si misérablement un homme tel que M. Brillat-Dessaigne, un génie comme il n’en surgit que de loin en loin du sein du banal pullulement humain. Qui savait combien d’années, de hasards coïncidents et extraordinaires il faudrait pour qu’une intelligence de même envergure apparût sur terre et retrouvât les secrets merveilleux que celle-ci emportait aux abîmes…

La nuit s’annonça très mauvaise. Nous ne pouvions pas gouverner dans une direction déterminée, il fallait se contenter de fuir vent arrière. La tempête eût vite fait de nous entraî-