Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/281

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’existait plus. À la place où elle s’élevait l’instant d’avant, deux ou trois larges mares gélatineuses, comme phosphorescentes, s’étalaient sur le gravier du môle. Nous les vîmes s’étendre, s’allonger, converger vers un point central où s’opéra leur fusion. Et de toute la faune qui naguère hantait les ténébreux ravins de l’île, il ne restait plus maintenant que cette flaque énigmatique de Bathybius, gelée vivante, impérissable, qui, lentement, invinciblement, s’orienta vers la mer, matrice primordiale de tous les êtres animés. L’électricité qui avait présidé à la naissance des Immondes était survenue à point nommé pour désagréger leurs formes passagères, restituera l’Océan les gouttes d’immortalité d’où la science les avait tirées. Longtemps nous demeurâmes penchés sur ce spectacle, en proie à l’angoisse imprécise que suscite chez tout être pensant l’éternel mystère de la création, avec une vague pitié aussi pour ces formes abolies qui ne reparaîtraient plus jamais sur terre, et pour qui nous nous reprochions maintenant de ne pas avoir eu un peu de cette clémence, de cette bonté que l’homme doit à tout ce qui respire au soleil et dont ne le séparent que quelques degrés en plus conquis par lui sur l’échelle de vie.