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mes poignets, exhalant dans cet effort le peu de vie qu’il lui restait. Il retomba inerte à mes côtés. Je saisis son sabre et d’un seul coup je tranchai les liens des jambes. J’étais libre. Je ne fis qu’un bond hors du navire.

Ce fut à coups de hache que je dus me frayer un passage à travers le cercle grouillant des Immondes ; ils étaient bien une soixantaine dont il me fallut pourfendre ou assommer plus de la moitié pour parvenir jusqu’au chef. La joie de retrouver ma chère Yvonne vivante décupla mes forces. Je la soulevai dans mes bras et d’une seule traite, la portai jusqu’au navire, le chef se contentant de tenir en respect la meute glapissante qui s’obstinait à nous suivre… Enfin, nous arrivions sains et saufs sur le pont, et tandis que le chef, brièvement, me narrait l’homérique épopée dont il était le héros, je m’empressai autour de ma femme qui ne tarda pas à rouvrir les yeux. Nous ne pûmes cependant échanger que quelques paroles, l’universel deuil qui planait nous défendant de céder à l’égoïsme des épanchements, des joies à deux. Les deux blessés entraient en agonie. M’étant approché avec le chef pour recueillir leur dernier soupir, je remarquai que le sang qui coulait de leurs blessures (ils avaient éner-