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la scène, quelque chose que j’attendais à la vérité et que je tremblais de ne pas voir se produire : le cri de la détresse humaine, les appels d’angoisse, de folie, d’agonie de ceux qui avaient survécu au cataclysme mais qui ne savaient pas, qui ne savaient plus comment sortir de cet enfer. Des râles, des hurlements, des vociférations démentes, se croisaient dans l’air, des plaintes aussi et des cris de suprême désespoir, parmi lesquels je crus reconnaître tout à coup la voix de ma femme, de ma femme dont le souvenir m’envahissait, soudain comme s’il surgissait du vide d’une année entière d’oubli. De fait, pendant la minute effroyable qui venait de s’écouler j’avais dû être frappé d’une totale amnésie et incapable de penser à qui ou à quoi que ce fût. Un fait nouveau tout à coup précisa l’image de ma pauvre Yvonne ; la cloche de la cour centrale entrait en branle, la même cloche qui sonnait l’alarme tantôt, au moment où je m’esquivais de chez nous sans explications ni adieu, de peur qu’Yvonne ne cherchât à me retenir. Je levai les yeux, et vis un nuage de vapeurs, mortelles sans doute, qui descendait lentement la pente de la falaise.

D’un bond je fus debout, et je remarquai alors seulement que le chef Pur était resté