Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.

flétris et au nom duquel nous anathémisons l’amour et ses généreuses illusions.

Ce qu’il y avait de gênant pour moi dans la minute présente, c’est que le hasard m’eût désigné pour apporter une réfutation complète à sa subtile théorie d’un bonheur parfait fondé sur la disparition de l’aiguillon sexuel et la méconnaissance de l’amour. Car elle était, cette réfutation, le substrat même de la mission dont m’avaient chargé les Purs. Une hésitation cruelle me tint un moment dans l’impossibilité d’articuler une syllabe.

Vous savez que je n’ai jamais été bien hardi. Or, dans la circonstance présente, non seulement la hardiesse n’était guère à ma portée, mais je ne jouissais même d’aucune liberté de jugement, ayant toutes les peines du monde à conserver l’intégrité de mon moi pensant au milieu des impressions chaotiques, formidables, tour à tour obscures ou lumineuses, qu’y avait soulevées la causerie du savant.

— Je vous ai un peu interloqué ? fit-il tout à coup avec le sourire truqué d’un maître de maison s’excusant auprès de l’invité qui ne paraît pas s’être suffisamment amusé, je vous en demande pardon, mais je ne pouvais pas vous édifier, même sommairement, sur les mystères de l’île,