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dinaires. Eh bien non, je rengaine ma lyre. La vérité est que ces deux journées de marche sous bois furent somme toute fastidieuses et énervantes. J’y ai perdu toutes mes illusions sur le charme des forêts vierges. D’une façon générale, les paysages même les plus pittoresques ne gagnent pas à être vus de près. « Rien ne gagne à être vu de près, a dit le poète persan, car notre souffle ternit jusqu’au miroir où nous nous regardons. » L’admirable Schopenhauer a, de son côté, très bien exprimé la décevance spéciale d’un site forestier en faisant remarquer qu’une fois qu’on y pénètre il n’y a plus de site, on est tout simplement entre des arbres. Les forêts vierges dégagent cette même conclusion pessimiste, à plusieurs puissances d’élévation. D’abord il y fait nuit en plein jour, à cause de l’opacité des voûtes et des dômes feuillus que les superfétatives lianes transforment en véritables catacombes végétales. En revanche on y étouffe, car les rayons caloriques traversent tout, eux, à l’instar des rayons X. Puis dans cette chaleur et dans cette obscurité vivent des millions d’insectes agressifs en diable, sans préjudice des fauves et des serpents, animaux imperfectibles et rétrogrades qui n’ont jamais pu s’habituer au voisinage de l’homme