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une guerre perpétuelle, et non seulement cela, mais une guerre de tous contre tous. Car qu’est autre chose la guerre que cette saison pendant laquelle on déclare de paroles et d’effet la volonté qu’on a de combattre ? Le reste du temps est ce qu’on nomme la paix.


XIV. Or il est aisé de juger combien la guerre est mal propre à la conservation du genre humain, ou même de quelque homme que ce soit en particulier. Mais cette guerre doit être naturellement d’une éternelle durée en laquelle il n’y a pas à espérer, à cause de l’égalité des combattants, qu’aucune victoire la finisse : car les vainqueurs se trouvent toujours enveloppés dans de nouveaux dangers, et c’est une merveille de voir mourir un vaillant homme chargé d’années et accablé de vieillesse. Nous avons en ce siècle un exemple de ce que je dis chez les Américains ; et dans les âges passés, nous en avons eu chez les autres nations, qui maintenant sont civilisées et florissantes, mais qui alors étaient en petit nombre, sauvages, pauvres, hideuses, et privées de ces ornements et de ces avantages que la paix et la société apportent à ceux qui les cultivent. Celui qui estimerait qu’il faut demeurer en cet état auquel toutes choses sont permises à tous, se contredirait soi-même : car chacun désire par une nécessité natu­relle ce qui lui est bon, et il n’y a personne qui puisse estimer que cette guerre de tous contre tous, attachée nécessairement à l’état