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V. D’ailleurs, comme de tout temps, les hommes ont disputé avec beaucoup de chaleur de la gloire de l’esprit, il faut nécessairement que, de cette contention, nais­sent de très grandes discordes. En effet, c’est une chose fort déplaisante de souffrir de la contradiction, et c’est fâcher quelqu’un que de ne prêter pas son consentement à ce qu’il dit. Car en n’étant pas de son avis, on l’accuse tacitement d’erreur, et en le cho­quant à tout propos, cela vaut autant que si on l’accusait tout haut d’être un imper­tinent. Cela est manifeste dans les guerres de diverses sectes d’une religion, et dans les diverses factions d’une même république, qui sont les plus cruelles de toutes celles qui se font, et où il ne s’agit que de la vérité des doctrines, et de la prudence politique. Le plus grand plaisir, et la plus parfaite allégresse qui arrive à l’esprit, lui vient de ce qu’il en voit d’autres au-dessous de soi, avec lesquels se comparant, il a une occasion d’entrer en une bonne estime de soi-même. Or, dans cette complaisance, il est presque impossible qu’il ne s’engendre de la haine, ou que le mépris n’éclate par quelque risée, quelque parole, quelque geste, ou quelque autre signe ; ce qui cause le plus sensible de tous les déplaisirs, et l’âme ne reçoit point de blessure qui lui excite une plus forte passion de vengeance.


VI. Mais la plus ordinaire cause qui invite les hommes au désir de s’offenser, et de se nuire les uns aux autres est, que plusieurs recherchant