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propre : mais il ne se peut rien dire de semblable de la multitude. C’est le peuple qui règne en quelque sorte d’État que ce soit : car, dans les monarchies mêmes, c’est le peuple qui commande, et qui veut par la volonté d’un seul homme. Les particuliers et les sujets sont ce qui fait la multitude. Pareillement en l’État populaire et en l’aristocratique, les habitants en foule sont la multitude, et la cour ou le conseil, c’est le peuple. Dans une monarchie, les sujets représentent la multitude et le roi (quoique ceci semble fort étrange) est ce que je nomme le peuple. Le vulgaire, et tous ceux qui ne prennent pas garde que la chose est ainsi, parlent toujours du peuple, c’est-à-dire, de l’État, comme d’une grande foule de personnes, disent que le royaume s’est révolté contre le roi (ce qui est impos­sible), ou que le peuple veut et ne veut pas, ce qui plait ou déplaît à quelques sujets mutins qui, sous ce prétexte d’être le peuple, excitent les bourgeois contre leur propre ville et animent la multitude contre le peuple. Et voilà des opinions desquelles les sujets étant imbus, ils en sont plus disposés à émouvoir quelque sédition ; or, comme, en toute sorte d’État, il faut que celui, ou ceux qui en sont les souverains, conservent soigneusement leur autorité, ces mauvaises maximes sont naturellement criminelles de lèse-majesté, et tendent à la désunion de la société civile.