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c’est une chose extrê­mement louable. Or, par le nom de tyran, ils entendent, non seulement les rois, mais tous ceux qui gouvernent les affaires publiques en quelque sorte d’État que ce soit. Car, à Athènes, Pisistrate ne fut pas le seul qui eut en main la puissance souveraine, mais aussi les trente tyrans qui dominèrent tous ensemble après lui et à chacun desquels on donna cet éloge. Au reste, voici quel est mon raisonnement : celui que vous permettez de tuer comme un tyran, ou il avait droit de commander, ou il ne l’avait pas : s’il s’était assis sur le trône sans juste titre, c’était un usurpateur que vous avez eu raison de faire mourir, et vous ne devez pas nommer sa mort un tyrannicide, mais la défaite d’un ennemi. S’il avait droit de commander, et si l’empire lui apparte­nait, je vous ferai la demande que Dieu fit à Adam : qui vous a montré que c’était un tyran, n’est-ce point que vous avez mangé de l’arbre dont je vous avais défendu de manger ? Car, pourquoi nommez-vous tyran celui que Dieu vous a donné pour roi, si ce n’est à cause que vous voulez vous arroger la connaissance du bien et du mal, quoique vous soyez une personne privée, à qui il n’appartient pas d’en juger ? On peut aisément concevoir combien cette opinion est pernicieuse aux États, en ce que par elle, quelque roi que ce soit, bon ou mauvais, est exposé au jugement et à l’attentat du premier assassin qui ose le condamner.