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qui en veulent aux personnes qui gouvernent. En effet, plusieurs ont cette coutume, de n’exprimer pas tant seulement les choses par les noms qu’ils leur donnent : mais de témoigner, aussi par même moyen, la passion qui règne dans leur âme et de faire connaître en même temps l’amour, la haine ou la colère qui les anime. D’où vient que l’un nomme anarchie, ce que l’autre appelle démocratie ; qu’on blâme l’aristocratie en la nommant une oligarchie ; et qu’à celui auquel on donne le titre de roi quelque autre impose le nom de tyran. De sorte que ces noms outrageux ne marquent pas trois nouvelles sortes de république : mais bien les divers sentiments que les sujets ont de celui qui gouverne. Et qu’ainsi ne soit, vous voyez premièrement que l’anarchie est opposée d’une même façon à toutes les sortes de gouvernement ; vu que ce mot signifie une confusion qui, ôtant toute sorte de régime, ne laisse aucune forme de république. Comment donc se pourrait-il faire que ce qui n’est point du tout une ville, en fût pourtant une espèce ? En après, quelle différence y a-t-il, je vous prie, entre l’oligarchie qui signifie le gouvernement d’un petit nombre de personnes et l’aristocratie qui signifie celui des principaux, ou des plus gens de bien de l’État ? On ne peut alléguer si ce n’est, que selon la diversité des goûts et des jugements des hommes, ceux qui paraissent les meilleurs aux uns semblent les pires de tous aux autres.