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qu’on ne découvre les lois de nature. Mais au reste qu’il n’y a personne qui n’ait quelquefois de bons intervalles, et qui ne jouisse de quelque sérénité d’esprit. Alors il n’y a rien de si aisé à qui que ce soit, pour si rude et ignorant qu’il puisse être, que de connaître des lois de nature ; et cela par une méthode bien courte, c’est qu’on se mette en la place de celui envers lequel on est en doute si l’on observera le droit de nature, en ce que l’on veut entreprendre qui le touche. Car on remarquera d’abord que les passions, qui poussaient à une action, se mettant dans l’autre bassin de la balance, la tiendraient en équilibre, et empêcheront de passer outre. Cette règle non seulement est aisée, mais il n’y a rien de si connu qu’elle, té­moin ce dire si commun, « qu’il ne faut point faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fît à nous-mêmes ».


XXVII. Or, d’autant que la plupart des hommes, par un désir déréglé qui les pousse à la recherche de leurs commodités présentes, sont peu propres à observer tou­tes ces lois de nature, quoiqu’ils les connaissent et les avouent : s’il arrivait que quelques-uns, plus modestes que les autres, s’adonnassent à cette équité, et à cette condescendance que la droite raison leur dicte, sans que les autres fissent le même, ils se conduiraient, à mon avis, fort déraisonnablement : car bien loin de se procurer la paix, ils se précipiteraient inconsidérément