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avant Pope, nous avions les Lettres d’Héloïſe & d’Abailard miſes en vers ſrançois par ſeu M. de Beauchamp, qui, en puiſant dans les mêmes ſources que le Poëte Anglois, c’eſt-à-dire, dans les Lettres latines d’Héloïſe, a pris avec raiſon les mêmes libertés. Il ne s’eſt point aſſujetti au texte qui ne lui a ſervi que de ſond ; & ſes Let- tres quoique moins enſlammées que l’Epitre Angloiſe, ſe ſont lire avec plaiſir. Elles reſpirent une douce tendreſſe, & ne ſont pas indignes des malheureux Amans qu’on y ſait parler. Pour vous donner toujours le plaiſir de la comparaiſon, parmi les morceaux que je citerai, vous en re- connoîtrez qui ſont tirés des Lettres originales, & que vous venez de lire dans les traductions de Pope.

Interprête éloquente, une Lettre raſſemble
Tout ce qu’on ſe diroit ſi l’on étoit enſemble.
Quelqueſois plus hardie, elle ſert mieux nos vœux,
Et l’auſtere pudeur ni contraint point nos feux.

Vous aimerez, Madame ces deux vers que le Poëte Francois met dans la bouche d’Héloïſe.

Que nos Lettres, ſans art & ſans gêne tracées,
Soient pleines de tendreſſe & non pas de penſées.

O mortelle penſée ! O regrets ſuperflus !
Abailard n’eſt qu’une ombre ; Abailard ne vit plus.
Amante abandonnée, épouſe malheureuſe,
Plus mon bonheur ſut grand, plus ma peine eſt aſſreuſe.
Suſpendez, inhumains, votre aveugle fureur