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navant, partout où il se trouverait, ses dépenses seraient payées sur ses revenus avant son départ ; que si ses revenus ne suffisaient pas, on emprunterait même à gros intérêts, et que celui qui serait assez hardi pour transgresser ses ordres paierait sa désobéissance de sa vie.

Voici l’autre anecdote :

Le comte entendait la messe à la collégiale au milieu des chanoines dont il était le chef, car il avait le titre d’abbé ou de prieur. Au milieu de la cérémonie un pauvre clerc chanta le trait qu’on appelle Des Nécessités, et, pensant aux siennes, il se mit à pleurer, et ce fut d’une voix interrompue par les larmes et les sanglots qu’il parvint à grand’peine à finir la prière commencée. — Après la messe le comte le fit venir, et l’interrogeant avec bonté, il apprit la cause des larmes de ce pauvre clerc ; pour le consoler il le nomma prêtre à Saint-Ours, et lui donna trois prébendes, une à Saint-Martin de Tours, une à Saint-Maurice d’Angers, la troisième à l’église Saint-Land, dont il le nomma doyen.

Nous ne nous arrêterons pas à discuter la véracité historique de ces deux faits. Leur caractère intime et gracieux nous a seul engagé à les citer. Nous trouvons cependant, surtout dans le premier, une peinture vivante des mœurs de l’époque et de la condition des habitants des campagnes en ces temps malheureux. Si le moine chroniqueur ne s’est pas laissé emporter par un esprit d’adulation coupable, on serait heureux de trouver chez le descendant des farouches seigneurs de Loches cet esprit de justice et de bonté, cet amour du petit peuple. Nous y voyons aussi comment les choses se passaient en temps de guerre ; car en l’absence du comte, qui ne résidait pas toujours dans son château, les rivalités des seigneurs voisins, et les déprédations des bandes armées que l’on appelait des voleurs, continuaient