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châteaux, ses officiers prennent tout, et sans demander et sans payer. Ceux qui sont ainsi dépouillés se taisent par crainte. Le comte s’éloigne-t-il, ils réclament alors ; mais hélas ! on nie, ou bien on les fait attendre si longtemps qu’ils sont heureux de recevoir la moitié de leur dû.

— Eh ! dit le comte faisant semblant de sourire, voilà des gens habiles, qui volent les revenus de leur maître, et le font vivre de rapines sans qu’il s’en doute ! »

Et il ajoutait tout bas :

« La paix ! la paix ! Il n’y a pas de paix tant que la terre est dévastée par l’ennemi du dedans. »

« Vous ne savez pas tout encore, seigneur ; ajouta le charbonnier.

— Continue, mon ami, dis-moi tout, je t’écoute ; je suis ami du comte, et assez familier avec lui pour avoir plus d’une fois l’occasion de lui dire ce que je voudrai.

— C’est peut-être la volonté de Dieu, seigneur, que le comte apprenne par vous ce que nous ne pouvons lui faire savoir. Écoutez donc, et ne vous fâchez pas de ce que je vais dire. Après la moisson, les prévôts du comte s’en vont dans la campagne, et, en vertu d’une loi nouvelle, ou plutôt d’une violence, ils édictent un impôt sur le blé, un septier, deux septiers, quelquefois plus… Si quelqu’un — ce qui est rare — se refuse à cette exaction, on le traduit en justice ; on lui impute des crimes imaginaires ; il ne peut échapper aux mains avares des juges. Enfin, lorsque sa bourse est vide, il se repent — trop tard — de sa résistance à ces lois iniques. »

Le comte se taisait, mais pensait en lui-même :

« Malheur à qui fait des lois injustes ! Le droit de punir m’appartient, et je le ferai bientôt sentir. »

« On ne comprend pas, continua le paysan, comment notre seigneur le comte ignore des choses qui se font