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de Ligny, assisté de plusieurs conseillers du Parlement et de quelques gentilshommes, vint dans la prison lui signifier « la sentence d’exautoration de l’ordre ; il lui demanda où étoit son ordre. Saint-Vallier lui répondit que le roy savoit bien qu’il l’avoit perdu à son service, et pour celui de Saint-Michel, qu’il l’avoit perdu le jour de son arrestation. Le comte de Ligny lui en présenta un autre qu’il refusa ; mais le président de la Cour lui remontra qu’il falloit obéir au roy, et cette cérémonie fut incontinent après achevée ». (Procès de Saint-Vallier, Cimber et Danjou.)

Le roi, qui suivait les détails de cette affaire comme s’il se fût agi d’une vengeance personnelle, pressa plusieurs fois l’exécution de l’arrêt. Mais la santé du malheureux condamné forçait toujours a différer. La question des brodequins lui fut seulement présentée, formalité inutile et cruelle, qui ne lui arracha pas d’autres aveux.

Enfin le jour de l’exécution arriva. Saint-Vallier fut conduit sur l’échafaud ; au dernier moment le roi, selon l’expression du poète, lui fit grâce ainsi que dans un rêve ; grâce incomplète et dérisoire, et qui aurait été achetée, dès ce jour-là même, on sait quel prix, par sa fille, la célèbre Diane de Poitiers.

Tout le monde connaît le langage plein de douleur et de dignité que V. Hugo prête au vieux comte de Saint-Vallier dans le drame Le Roi s’amuse :

Vous m’avez fait un jour mener pieds nus en Grève.
Là, vous m’avez fait grâce ainsi que dans un rêve,
Et je vous ai béni, ne sachant en effet
Ce qu’un roi cache au fond d’une grâce qu’il fait.
Vous, vous aviez caché ma honte dans la mienne ;
Sans honte, sans pitié pour une race ancienne,
Pour le sang de Poitiers noble depuis mille ans,