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étaient peu graves en elles-mêmes. Ils étaient coupables surtout de n’avoir point révélé le complot dont ils avaient connaissance ; mais une loi, qui datait de Louis XI, punissait la non-révélation d’un complot contre la personne du roi des mêmes peines que le crime de lèse-majesté, c’est-à-dire de la mort.

La grandeur de la trahison, l’importance du principal coupable, et l’influence du roi qui mettait dans la poursuite une passion extrême, augmentaient encore le danger de la situation. Le plus gravement compromis était Saint-Vallier ; tout en blâmant les projets du connétable, il avait eu la faiblesse de consentir à être le dépositaire du chiffre secret destiné à sa correspondance avec l’empereur. Il se rendait si bien compte de sa situation, qu’il écrivait de Loches à son gendre Brézé et à sa fille les deux lettres suivantes, où se peint en termes navrants son inquiétude :

« A Monsieur le Grand Seneschal,

» Monsieur mon filz,

» Je croy que vous estes assez adverty de ma fortune, c’est que le roy m’a fait prandre, sans nulle raison, je le prens sur la dampnation de mon âme, à l’occasion de ce que Monsieur le Connétable s’en est allé ; et m’a fait mener ycy au chasteau de Loches comme ung faulx traistre ; que m’est si très horrible regret que je m’en meurs. Je prie à Dieu quil me vueille donné bonne pacience et au roy congnoissance de la honte qu’il me fait ; puisquil luy plaist, la raison veut que je preigne pacience ; et pour ce que vous estes la personne que j’ayme le plus et à qui j’ay plus de fiance, je vous ay bien voulu advertir de ma malheureté, à celle fin que vous veuillez avoir pitié de moy à me vouloir oster hors de la misère où je suis ; et s’il vous est possible de povoir venir parler à moy jusques ycy, vous et moy concevrions ce que il s’y devrait faire. J’ay paour que vous ne puissiez venir jusques ycy ; si vous ne le povez faire, je vous requiers en l’honneur de Dieu que vous me veuillez envoyer vostre femme ; elle pourra passer à Bloys et demander congé à Madame de me venir veoir, sans luy dire autre chose, et elle et moy concluerons ce qu’elle dira à Ma-