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un air si terrible qu’aucun homme n’osait en approcher. Quand il se vit si malheureux, il dit à ses frères : Je suis fort surpris que nous ne prenions aucun avis sur notre malheur ; je crois que nous avons perdu courage, sans cela nous ne serions pas si malheureux que nous sommes. Nos harnais et nos chevaux ne valent plus rien, et nous n’avons plus d’argent pour en acheter ; prenons donc conseil sur ce qu’il nous reste à faire. Quand Allard eut entendu Regnaut parler ainsi, il lui dit : Frère, il y a longtemps que je m’en suis aperçu, mais je n’osais vous le dire à cause que je craignais que vous n’en fussiez pas content ; si vous le voulez, je vous donnerai un bon conseil. Nous avons souffert ici bien des peines et nous ne pouvons aller en aucun pays, car vous savez que tous les barons de France, nos père et mère, tous nos parens nous haïssent mortellement ; si vous voulez me croire, nous irons tout droit auprès de notre mère à Dordonne ; j’espère qu’elle ne nous abandonnera pas. Nous y prendrons un peu de repos ; ensuite nous irons servir un grand seigneur et nous acquerrons de la gloire. Frère, dit Regnaut, vous avez raison ; je vous promets qu’ainsi sera fait. Quand les autres frères entendirent le conseil qu’Allard avait donné, ils commencèrent à dire : Frère, nous savons que vous avez donné un bon conseil à Regnaut et nous sommes tous prêts à le suivre. Les quatre frères attendirent que la nuit fût venue, puis ils montèrent à chevai et se mirent en chemin ; ils marchèrent tant qu’ils arrivèrent à Dordonne ; ce fut alors qu’ils sentirent toute la pauvreté et la misère qu’ils