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et ne savaient qu’ils allaient à la mort. Regnaut allait derrière eux, la tête baissée, et les écoutait chanter ; il éleva tristement les mains au ciel et dit : grand Dieu ! qui avez préservé Daniel de la fosse aux lions, délivré Jonas du ventre de la baleine, préservez-moi, s’il vous plaît, de la mort et d’emprisonnement, ainsi que mes frères, car je ne sais pas où nous allons, mais il me semble que nous courons un grand danger. Quand il eut fini sa prière, il se mit à répandre des larmes, tant il craignait de causer le malheur de ses frères. Allard, le voyant pleurer, lui dit : Qu’avez-vous ? je ne vous ai jamais vu si triste. Regnaut lui répondit : C’est aujourd’hui que nous devons faire la paix avec Charlemagne. C’est à cause de cela, dit Allard, qu’il faut être gai ; marchez et chantez avec nous. Très-volontiers, répondit Regnaut.

Alors Regnaut commença à chanter, si bien que c’était un plaisir de l’entendre. Ses frères allaient au petit pas en parlant de ce qu’ils deviendraient dans la plaine de Vaucouleurs. La situation de la plaine où ils devaient s’arrêter était telle qu’elle était environnée de quatre forêts très épaisses, dont la moindre était d’une journée de chemin, et de quatre rivières très-profondes nommées Gironde, Dordonne, Noir et Balançon ; il n’y avait point d’habitation à plus de dix lieues. C’est pourquoi la trahison avait été ordonnée dans ces lieux. Il y avait quatre chemins, dont le premier allait en France, le second en Espagne, le troisième en Galice et le quatrième en Gascogne, et l’on y avait mis dans chacun, cinq cents hommes pour les prendre.