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AVERTISSEMENT SUR CETTE SECONDE EDITION.

ON ne trouvera dans cette nouvelle Edition d'autre changement que celui que la correction typographique a exigé. L'Ouvrage feroit sans doute plus digne de la faveur du Public, si on eût touché à la matière, soit en réformant quelques endroits qui ont paru défectueux, soit en ajoutant des suppléments qu'on a jugé nécessaires : mais cette réforme et ces additions auroient pu insposer les personnes qui ont la première Edition. Ç'auroit été, ce semble, mal répondre à l'empressement qu'elles ont eu de s'en pourvoir, que de la leur rendre en quelque sorte inutile. Pour concilier leur intérêt avec la perfection de ce Livre, lorsque cette Histoire des Philosophes mordernes sera achevée, on publiera un volume de supplément, qui contiendra les augmentations, corrections et éclaircissements que tout l'Ouvrage pourra comporter. En attendant on croit devoir se justifier sur deux points importans, qui on été censurés avec beaucoup d supériorité. I. Il est dit dans le Discours préliminaire, que M. Berkeley, Evêque de Cloyne, a fait un Livre pour prouver que nous ne pouvons juger de rien [1], et on trouve que cela n'est pas exact ; que M. Berkeley, bien loin d'être un Sceptique, n'a visé qu'à combattre l'Athéïsme et le Scepticisme ; qu'il a trouvé ridicule qu'un Philosophe regarde l'existence des choses sensibles comme problématique, jusqu'à ce qu'il soit venu à bout de la prouver par la considération de la véracité de Dieu, et qui a déclaré que si on entend par susbstance matérielle les seuls corps sensibles, ceux qu'on voit et que l'on touche, il est plus convaincu de l'existence de cette matière qu'aucun Philosophe ne puisse l'être. Cependant l'Evêque de Cloyne assure positivement qu'il n'existe point de corps ; que l'étendue, la figure, la solidité, la pesanteur, le mouvement et le repos ne sont que des sensations de l'âme, et qu'ils ne peuvent exister qu'en idée, et que toutes ces choses ne sont que des idées. Mais si l'étendue n'est qu'une idée, les corps ne peuvent être que cela : d'où il suit (comme l'ont fort bien remarqué des Journalistes estimés) que le sentiment des corps étant faux, il (M. Berkeley) oblige à douter de tout [2].

  1. C'est le Dialogue entre Hylas et Philon, pour montrer la vérité et la perfection des connoissances humaine, etc.
  2. Journal Littéraire de Mai et Juin 1713. Tom.I, pag.156