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et ces sentiments insoutenables. » [1]

II. C’est un reproche assez ordinaire qu’on fait à ceux qui ont voulu exposer le systême de Spinosa, de ne l’avoir pas bien saisi. Comme ce systême est très-abstrait, et qu’il est exposé suivant la méthode des Géomètres, peu de personnes sont en état de l’entendre et de juger si on l’a entendu. Il faut être bien sur ses gardes pour ne pas se tromper là-dessus. Ce n’est qu’en étudiant avec soin l’ Ethice de Spinosa, en comparant le résultat de cette étude avec l’analyse de MM. Bayle, Boulainvilliers, Dom Lami, Leclerc, de Jarriges, etc. ont faite de son systême, et en tâchant de découvrir le véritable rapport des principes avec les conséquences, qu’on peut connoître enfin toute la pensée de ce Philosophe. Tel est aussi le parti qu’on a pris. Il est mortifiant après cela d’essuyer le reproche que dans l’exposition qu’on fait du systême de Spinosa, on n’est pas exact ; qu’en disant que Dieu est un être corporel, on renverse tout le systême de Spinosa ; et que ce systême étant absure, on a tort de reconnoître que rien n’est plus ingénieux ni plus spirituel. Si on ne devoit point au Public un compte de ses travaux, on se renfermeroit à cet égard dans un modeste silence. Mais il ne conviendroit pas de laisser le Lecteur dans l’incertitude ; et cette considération paroît assez forte pour autoriser une courte réponse.

Tous les gens instruits savent que le systême de Spinosa est fondé sur ces principes. 1. Il n’y a dans l’Univers qu’une seule substance, susceptible de deux modifications, dont l’une consiste dans la pensée, et l’autre dans l’étendue. 2. La substance modifiée en étendue produit les corps et tout ce qui occupe un espace ; et modifiée en pensée, cette modification est l’âme de toutes les intelligences. L’Univers n’est donc autre chose que Dieu avec tous ses attributs ou avec toutes ses modifications. D’où il sait que Dieu est corps et esprit en même temps, puisque la matière et l’esprit ne sont que des modifications de la substance unique. On peut comparer cette substance à la sèce qui monte dans un arbre greffé, et qui suivant les modifications différentes qu’elle reçoit en passant par les greffes, devient ou abricot, ou pêche, ou amende, etc.

Il est donc impossible que Dieu ne soit pas corps, selon Spinosa, parce qu’il est impossible qu’il y ait deux substances : ce qui devroit être, si la substance qui forme Dieu étoit différente de cette qui conflitue la matière.

Ce systême est très-absurde sans contredit, comme on le dit dans l’histoire de ce Philosophe ; mais il n’en est pas moins ingénieux et spirituel. L’homme de Descartes est assurément une chose très-ingénieuse et très-spirituelle ; mais c’est aussi une chose très-fausse et très-absurde. Une

  1. Journ. Litt. pag. 158 et 159.