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INDES ORIENTALES

& de l’aſſiete, condition & diſſette du païs, en ceſte maniere.

Ie vous ay eſcrit toutes ces choſes ainſi par le menu, à fin que vous entendiez de quelle conſolations Dieu nous ſoulage en ces Iſles barbares, car ces labeurs & dangers que nous endurons pour ſon honneur & gloire, ce ſont autant de threſors, pleins de toutes ioyes ſpirituelles, de façon, que ceſte Prouince eſt propre pour y perdre les yeux, à force de pleurer, pour les douceurs, & contentemens ineſtimables que l’ame y reçoit. Car quant à moy ie n’eu onques tant de conſolation, & de plaiſir en mon eſprit, qu’en ces païs cy, là où ie ſuis en continuelle allegreſſe, prenant fort gayement, & ſans aucun ennuy, tous les trauaux & labeurs du corps qui s’y preſentent plus qu’ailleurs, encores que les ennemis ne ſoyent pas loing de nous, & que les habitans du païs ne m’ayment gueres, & la contree tellement ſterile & poure, qu’il n’y a pas deqnoy viure, tant s’en faut que l’on y puiſſe trouuer ce quis eſt requis pour le ſoulagement des malades : qui eſt ſeule cauſe ſuffiſante, à mon aduis, de nommer ces Iſles icy pluſtoſt de Diuine eſperance, que del Moro. Et s’il y a vne eſpece de garnemens en ce païs, qu’on appelle Iauares, qui s’eſtimẽt les plus heureux du monde quand il peuuent couper la gorge à vn ho-