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Tandis qu’en France les attributions des jurés se laissent facilement dégager dès l’origine[1], il n’en est pas de même dans le pays de Liège ni dans les autres territoires épiscopaux de l’empire. L’église impériale, bien plus puissante que l’église française, sut mieux résister que celle-ci à l’intervention dans les villes, d’élus de la bourgeoisie indépendants de son pouvoir[2]. La politique des Hohenstaufen qui se montra décidément favorable aux princes et condamna l’existence des communes empêcha d’ailleurs l’institution des jurés de se développer en Allemagne comme elle le fit en France[3]. L’évolution urbaine dans les deux pays suivit ainsi des voies fort différentes. En Lotharingie toutefois, où le pouvoir impérial cessa de bonne heure de se faire sentir, les choses ne se passèrent pas de même que dans les pays d’Outre-Rhin. Les jurés ne disparurent pas dans les villes liégeoises. Depuis le moment de leur apparition, à la fin du XIIe siècle, ils ne cessèrent de prendre une influence de plus en plus grande dans les constitutions urbaines. Ce sont eux, non les échevins, qui ont formé le conseil[4].

La date de 1196 à laquelle sont, pour la première fois, mentionnés les jurés de Dinant est caractéristique. Elle nous reporte au règne de cet Albert de Cuyck si favorable aux tendances de la bourgeoisie et nous permet de voir dans ces

    pays de Liège. En Flandre, ces magistrats apparaissent dès 1127 dans la Keure de St Omer, mais ils disparaissent de bonne heure, par suite du caractère communal que prend l’échevinage.

  1. Giry : les Établissements de Rouen id., étude sur les origines de la commune de St Quentin ; Lefranc, Histoire de la ville de Noyon.
  2. V. la répression de la conjuratio de Trêves en 1161, dans Schoop  : Verfassungsgeschichte von Trier p. 103, Westdeutsche Zeitschrift. Ergänzungsheft 1884.
  3. Arnold : Op. cit. II, n. 1, sqq..
  4. On sait que des jurati existaient comme à Liège, à Metz et à Verdun. Ils sont mentionnés aussi à Utrecht dès 1251. Muller : Op. cit. p. 18, me parait ne pas se rendre un compte très exact de leur caractère ; il les prend pour les membres de la Kopmansgild. Il ne serait pas impossible que des influences françaises aient contribué à l’apparition des jurés dans ces évêchés frontières de l’empire.