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Toutefois, la catastrophe de 1466 a des causes plus profondes que la conduite insensée de la démocratie de la ville. Elle n’est, en somme, que le dénouement tragique d’une guerre économique qui commence au XIIIe siècle. Cette guerre, c’est celle de Dinant avec sa voisine namuroise : Bouvignes. Simple village sans importance jusqu’au commencement du XIIIe siècle, Bouvignes prit, à partir de cette époque et comme Dinant, grâce à l’industrie du cuivre, un développement rapide[1]. Désormais, des deux côtés, on ne pensa plus qu’à ruiner le concurrent, c’est-à-dire l’ennemi. Dès la fin du XIIIe siècle, Dinant empêche les bateaux d’arriver jusqu’à Bouvignes, en barrant le cours de la Meuse et exige des marchands qui viennent dans ses murs le serment de ne rien acheter chez son adversaire. Les difficultés toujours pendantes entre l’évêque de Liège et le comte de Namur, à propos des frontières respectives de leur territoire le long de la Meuse, transforment bientôt ces inimitiés privées en une guerre générale. Elle éclate en 1319 : le Namurois est ravagé par les troupes liégeoises et un siège en règle, mais infructueux, de Bouvignes, est entrepris. Au XVe siècle, la haine entre les deux villes atteint son maximum d’intensité. Bouvignes accueille dans ses murailles les bannis de Dinant : les meurtres et les attaques à main armée sont continuelles. En aval, la Meuse encombrée de grosses pierres ne laisse plus remonter les barques jusqu’à Dinant ; en amont, barrée par une chaîne de fer, elle les empêche de descendre jusqu’à Bouvignes. En 1430, Dinant entraîne de nouveau, contre le comté de Namur, toutes les forces du pays de Liège : pendant un mois, Bouvignes est assiégée. Mais on avait à faire, cette fois, à trop forte partie. Philippe le Bon venait d’acheter le comté de Namur et la paix se conclut au détriment des Liégeois. Les Dinantais furent condamnés à démolir la tour de Montorgueil bâtie par eux au XIVe siècle, et d’où ils faisaient pleuvoir sur Bouvignes des pierres et des boulets.

  1. Sur Bouvignes v. la préface de Borgnet à son Cartulaire de la commune de Bouvignes.