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HISTOIRE

combien la liberté est un élément vital des sociétés, il marque encore l’avénement de l’industrie et du commerce en Europe ; de sorte, qu’à ce double point de vue, l’établissement des communes se trouve dans la grande voie des destinées humanitaires. Mais ceci reconnu, il faut se garder de croire, je le répète, que la bourgeoisie, qui naquit des communes, ait engendré un ordre social radicalement différent de la féodalité. Il est vrai de dire, au contraire, que, sauf la forme, la société communale ne fut qu’une expansion de la féodalité ; je m’explique : les serfs qui brisèrent le joug seigneurial ne le firent qu’au nom de la liberté ; or, quelque bonne qu’elle soit, la liberté, réduite à elle seule et sans autre idéal, n’enfante que l’égoïsme. — C’est ce que la logique et l’histoire démontrent à qui mieux mieux. Que si on ne perd pas de vue que cette liberté, que les serfs réclamèrent, n’était au fond qu’une liberté matérielle, c’est-à-dire le droit de vendre librement leurs marchandises, on comprendra facilement ce que dût être la société nouvelle. Cette société dût naturellement reproduire, sous le double rapport moral et politique, le principe qui lui avait donné naissance. Ainsi, d’une part, en tant que s’élevant en face de la féodalité et contre laquelle elle aura toujours besoin de réagir, la société communale offrira un caractère démocratique qui rappellera à certains égards les vieilles républiques ; mais inspirée, de l’autre, par un idéal purement matériel, elle se moulera sous cet aspect, sur le système féodal dont elle revêtera l’esprit d’égoïsme et de caste, au point que souvent les possesseurs de maîtrises ressembleront aux possesseurs des donjons, et les ouvriers des jurandes aux serfs de la glèbe.

Entrons donc dans l’étude de l’organisation communale, et