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rompu de bonne heure les voies de justice où l'humanité devait marcher. L’histoire, à partir de nos jours, n'est qu’un enchaînement fatal de souffrances qui se prolonge jusqu’aux époques les plus reculées. Pour prendre divers aspects et divers degrés, l’exploitation de l'homme par l'homme n'en est pas moins toujours semblable à elle-même.

De l'esclave au serf et du serf à l’ouvrier, on peut bien signaler de notables modifications ; tout démontre même qu’il existe une loi de progrès continu qui efface graduellement les différences des hommes entre eux, mais il n’en est pas moins certain qu’au fond, l'esclave, le serf ou l’ouvrier, c’est toujours le même homme.

Effectivement l’esclave est livré pieds et poings liés au maître. L esclave n’est qu’un instrument producteur, c’est une chose, un outil, une propriété. A son tour, le serf est plus libre moralement et physiquement ; en même temps qu’il partage avec le seigneur le pain de la fraternité chrétienne, la loi lui garantit l’appropriation d’une partie de son travail ; mais, en somme, le serf est enchaîné à la glèbe, comme l'esclave au maître. Il n’existe pas encore par lui-même. L’ouvrier, enfin, semble, au premier aspect, se détacher sensiblement de l'esclave antique et du serf du moyen âge ; l’ouvrier a conquis l'entière possession de ses facultés physiques, morales et intellectuelles. Vu ainsi l’ouvrier est homme ; il est, comme on dit, son maître, mais en y regardant mieux, autre est la perspective.

Que fera l’ouvrier de ces facultés dont vous lui accordez le libre exercice ? Où sont ces éléments de production qu’il pourra féconder à son profit ? Sous ce rapport, donc, et ceci est capital, l’ouvrier est loin d’être émancipé. Le mince sa-