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mes enfants ! Hélas ! ils ont pu mourir ! Mais, moi, maudit, je ne puis pas !… L’effroyable sentence pèse sur moi pour l’éternité[1] ! »

Toutes ces têtes de mort devaient plaire à l’époque romantique qui abusait du macabre ; mais Ahasvérus, brisant (on ne sait trop pourquoi) les crânes de son père, de ses femmes et de ses enfants, ne me paraît offrir qu’une fantasmagorie déclamatoire et sans but.

Béranger comprenait mieux le sentiment populaire, et par là il justifie l’enthousiasme souvent exprimé sur ses petits poèmes par Goethe dans les Conversations avec Eckermann.

Reprenant l’idée et non les détails, Béranger, à propos du Juif-Errant, chante l’humanité et la fraternité.

À son tour, un chansonnier qui eut quelquefois l’instinct de l’art populaire, Pierre Dupont, tenta d’attacher de nouveau le nom du Juif-Errant à un poème[2] :

Lorsque Jésus gravissait le Calvaire,
Plus accablé des crimes de la terre
Que de sa croix, sur son modeste seuil
Il vint un Juif qui donnait son coup d’œil
À ce spectacle et semblait s’y complaire.
Or la légende en fait un cordonnier.
Jésus succombe et veut l’apitoyer :
« Que sur ton seuil au moins je me repose ! »

  1. Traduit, vers 1830, par Gérard de Nerval.
  2. La Légende du Juif-Errant, compositions et dessins de G. Doré. Paris, Michel Lévy, 1856, grand in-folio.