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garni la bourse, lui qui n’a rien en ce monde ; il lui a assuré ses cinq sous à perpétuité, lui qui ne sait pas toujours la veille s’il mangera le lendemain ; il lui a garanti de bons habits et de bons souliers, lui qui marche pieds nus et sous les haillons. »

En effet, partout le peuple est plein de pitié pour Ahasvérus. Chaque nation a tenu à honneur de le voir passer les Flamands, les Anglais, les Allemands, les Français, les Suisses, les Suédois.

Juif-Éternel, disent les Allemands ; Juif-Courant, disent les Suisses, chez lesquels les frères Grimm ont recueilli cette tradition orale :

« Le Matterberg, situé au-dessous du Matterhorn, est un glacier très élevé du Valais, sur lequel le Visp prend sa source. D’après le dire des gens du pays, il y a eu là anciennement une ville considérable. Le Juif-Errant traversa une fois cette ville, et dit : « Quand je passerai par ici une seconde fois, là où il y a maintenant des maisons et des rues, il n’y aura plus que des arbres et des pierres ; et, quand j’y repasserai pour la troisième fois, il n’y aura plus rien que de la neige et de la glace. » À présent, on n’y voit plus que neige et glace. »

    entendu parler d’un homme soi-disant extraordinaire. » Il va donc vers l’exilé qui lui dit : « Oui, je suis celui qui surpasse en cruauté Néron, Caligula, Tibère. » Tout le récit est conçu dans les mêmes termes ; mais le conteur est un ultra, il ne faut pas l’oublier. — « Je cherchais un homme, s’écrie Ahasvérus, monstrum inveni, j’ai trouvé un monstre. » Le pamphlétaire ne s’est pas aperçu qu’il travaillait à la gloire de Napoléon, en associant son souvenir à celui de la figure légendaire du Juif-Errant. Déjà, pour beaucoup de peuples, Napoléon fait partie du cycle des légendes.