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dit Pierre en montrant Jean à Jésus, que deviendra-t-il ? « Ce à quoi Jésus répondit : — Que t’importe, si je veux qu’il demeure jusqu’à mon retour ? »

Il y eut abus de paroles et d’écriture à propos d’Ahasvérus poursuivi de tous côtés par les commentateurs ; et, à ce sujet, un érudit modeste, qui, depuis nombre d’années, recueillait les moindres notes ayant trait à la légende, a dit :

« L’auteur d’un cours sur l’histoire de la poésie chrétienne, prêché, il y a quatre ou cinq ans, dans une Revue néo-catholique, après avoir composé l’arlequin le plus étrange avec les grands mots de cycle des apocryphes, de symbolisme profond, de mythes chrétiens, et quelques lambeaux de la complainte du Juif-Errant, continue sa leçon en ces termes :

« Pourtant, rien n’est moins de nature à faire sourire que cette légende, quand on la considère dans l’esprit du moyen âge. Pour nos aïeux…, l’histoire du Juif-Errant n’était pas l’histoire d’un homme, mais celle d’une nation entière. Sous le voile de cette fiction, il y avait pour eux une sombre réalité. Cet homme fantastique était à leurs yeux l’image du peuple déicide… Ahasvérus était l’image du peuple juif dans l’état où l’ont rendu l’anathème et le désespoir. »

« Il faut l’avouer, on a étrangement abusé du moyen âge à propos de l’œuvre anonyme d’un vaudevilliste d’avant la Révolution, à propos d’un livret à deux sous fabriqué au commencement du dix-septième siècle. Ce qui est de nature à faire sourire, c’est le grand sérieux des gens qui veulent à toute force trouver un symbolisme profond dans ces balivernes du temps passé.

« Basnage, le savant auteur de l’Histoire des Juifs, en consacrant quelques pages à l’histoire du Juif-Errant, et dix autres écrivains non moins sérieux, n’ont aperçu dans ce conte le plus petit symbole. Chaque pays, chaque époque a son homme éternel : juif, païen, catholique, musulman, affublé de vingt noms différents ; tantôt vieux, tantôt jeune, ici mâle, la femelle ; mais