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frapper les esprits naïfs ? Le Juif, si longtemps réprouvé des anciennes sociétés, traînant à sa suite le mot errant comme un boulet accroché à sa nationalité !

Ce titre déjà eût suffi ; mais la représentation qui s’adressait aux yeux de ceux qui ne savaient pas lire, cette image que depuis plus d’un siècle on tire chaque année à des milliards d’exemplaires, qui se répand partout, à la ville, au cabaret, dans la cabane du paysan, ne devait-elle pas consacrer jamais le souvenir du vieillard ridé qui jette un regard mélancolique sur les murs des cités auprès desquelles il passe ?

Du jour où à l’image fut jointe une complainte qui, chantée de bouche en bouche, retraça l’odyssée lamentable d’un être maudit de Dieu et des hommes, on put prévoir que la légende serait durable.

Pour ceux qui s’intéressaient médiocrement aux rimes de la ballade populaire, un récit détaillé des pérégrinations du Juif fut consigné dans un cahier « à deux sols » de la Bibliothèque bleue ; alors le paysan put, le soir, sous le manteau de la cheminée, réfléchir aux événements singuliers qui avaient mis un bâton aux mains d’Ahasvérus et l’exposaient jour et nuit aux rigueurs des saisons.

Ce ne fut pas tout. Des esprits poétiques s’emparèrent de la légende pour l’approprier aux imaginations du jour ; séduits par les grandes lignes de