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l’état-major allemand. Le journaliste parlait en philosophe, en humanitaire ; mais le tableau qu’il faisait des ravages de la guerre n’en était pas moins poignant.

Depuis huit jours j’ai déposé la plume et j’espère, pendant huit jours encore, jouir d’un repos que je crois mérité, puisque voici cinq mois et demi que je suis les corps d’armée par voies et par chemins.

C’est une chose terrible d’écrire toujours avec du sang, de voir du sang, d’y penser sans cesse, d’y rêver la nuit. On tombe peu à peu dans une humeur entièrement contraire à la nature humaine. Tout, autour de nous, est la négation, la destruction, l’anéantissement dans leur expression la plus brutale. L’eil s’habitue à voir toutes les contrées en proie à la dévastation et à la ruine ; l’esprit se dégrade aux plus mauvais instincts… À la façon des enfants qui font le mal par plaisir, un courant irresistible pousse les hommes les plus pacifiques à la violence et les entraîne à détruire, sans savoir pourquoi, tous les objets, même les plus insignifiants, du moment qu’ils semblent vouloir se soustraire à la devastation commune.

Une horloge qui se présente sur notre chemin et balance son pendule au bruit de son tic-tac régulier, nous irrite les nerfs, car comment se fait-il qu’elle marche encore lorsque tant d’autres sont arrêtées ? Une tasse dont l’anse n’est pas brisée, une assiette qui conserve le plus mince filet d’or, un tableau tranquillement suspendu dans son cadre, un rideau dans lequel on n’a point taillé une demi-douzaine de mouchoirs, tout objet, en un mot, qui n’est pas entièrement ou partiellement détruit, nous excite à des convoitises nerveuses, car tout doit être ruiné puisque tout est devenu sans maître.

Aucun homme, dans cette guerre, n’a droit à sa vie, puisque la première balle peut la lui ravir en un instant ; aucun toit n’a le droit de recouvrir une maison ; nul n’a de titre de propriété sur aucun objet, puisque cet objet lui sera ravi à la première occasion par un autre qui croira en avoir besoin.

Voici une maison dont les vitres ne sont pas complètement