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Trois mois avant la guerre, et sans que rien en apparence la fit pressentir, je fus attiré à la montre d’un marchand de tableaux par une aquarelle claire, transparente, et d’un intérêt inexprimable pour moi. Je la regardais chaque jour en allant à mes travaux. Le sujet, pourtant, était bien simple. À la lisière d’un vaste champ que la charrue venait de sillonner pour d’autres récoltes, se tenaient debout de gros sacs de pommes de terre bosselés et ventrus ; au loin apparaissait, sur le bleu de l’horizon, le toit de briques d’une petite habitation perdue dans le feuillage.

Ni hommes ni animaux n’animaient ce labourage, et cependant l’impression que laissait la peinture était particulièrement vivace : ces gros sacs, avec leurs fruits débordant par l’ouverture, étaient le témoignage d’une année d’abondance ; la terre qui avait donné ces produits allait s’ouvrir encore pour de nouvelles semences. À l’horizon, le toit de briques de la cabane indiquait qu’à l’intérieur de braves gens vivant en paix, se reposaient d’avoir été tout le jour courbés sur cette terre féconde.

C’est à la simplicité des sujets qu’on reconnaît le véritable artiste : il ne communique à la foule une émotion qu’en la ressentant.

Certainement j’aurais acheté cette délicate aquarelle, si la signature du peintre ne m’eût fait craindre que le marchand n’en demandât un trop gros prix.

Qu’importe que la peinture n’entrât pas en ma possession ! Elle était plus solidement accrochée