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une âpre montagne et un lac, ne pouvant communiquer avec ses frères que par eau ou en gravissant des sentiers perdus dans des bois épais, n’ayant pour voisins que des gens pillards et féroces, à cette vue, disons-nous, le religieux de Bonnevaux conseilla à son fils de quitter cette localité si détestable :

« Votre communauté, lui dit-il, ne peut demeurer plus longtemps ici. Dés que, par un travail de tous les jours, vous avez pu faire produire quelques fruits à cette terre stérile, vous les verrez enlever par vos voisins rapaces. Retournez à Clairvaux et choisissez un autre lieu. »

Mais l’abbé d’Hautecombe, parlant le langage qu’il avait appris à l’école de saint Bernard, lui répondit : « S’ils nous enlèvent nos biens temporels, ils ne peuvent point nous priver des biens éternels que nos travaux nous procurent ; et puisque ce sont ces biens éternels que nous cherchons, nous ne trouverons aucun lieu ni aucune population plus favorables[1]. »

Il resta courageusement à son poste et bientôt ses vertus et celles des religieux, formés par son exemple, attirèrent au couvent les biens temporels et un grand nombre de novices, car, si l’on croit la tradition, il y aurait eu, à Hautecombe, du vivant de saint Bernard, deux cents moines. Suivant un de ses anciens biographes, le seigneur d’Hauterive, après être resté quelque temps à l’abbaye, où il était venu pour instruire son fils, s’en alla au contraire après avoir été instruit[2].

  1. Vie d’Amédée d’Hauterive, le père, par un anonyme, insérée dans les Annales de Cîteaux, I, 378.
  2. Amédée le père avait paru, en 1132, avec l’abbé, le prieur et quelques autres moines de Bonnevaux, à l’acte de fondation de l’abbaye de Tamié. Besson, Mémoires ecclésiastiques, p. 351.) L’auteur regretté de l’intéressante histoire de cette maison religieuse a confondu Amédée le père avec son fils, l’abbé d’Hautecombe.