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était appelé à prendre, dans la même ville, la direction d’un autre établissement hospitalier.

À cette époque, des maisons de refuge, appelées léproseries, recluseries, maladreries ou maladières, destinées à enfermer les lépreux et même des ermites volontaires, s’élevaient autour des villes. La lèpre, maladie de l’Orient, déjà connue en Europe sous les rois lombards, s’y répandit surtout au temps des croisades. Elle se développa avec tant d’intensité, que, dans le xiiie siècle, dix-neuf mille léproseries existaient dans la chrétienté. En outre, beaucoup d’infortunés, atteints de cette maladie, erraient dans les campagnes, repoussés de porte en porte, se cachant dans les montagnes. Rien n’égale l’affreuse peinture que nos aïeux nous ont laissée de ce terrible fléau, aujourd’hui presque disparu. « La face ressemblait à un charbon demi-éteint ; elle était parsemée de pustules très dures, à la base verte, à la pointe blanche. Le front était sillonné de plaies profondes, d’une tempe à l’autre. Les yeux étaient sanguinolents, le nez rongé et ulcéré ; la voix ressemblait à l’aboiement d’un chien enrhumé[1]. »

Quoique située à l’extrême occident de l’Europe, la France ne fut pas exempte de ce fléau. On comptait sur son sol deux mille léproseries. Onze, dont les titres furent constatés par de Colonia, s’élevaient autour de Lyon ; mais cet historien estime qu’il en a existé un bien plus grand nombre. Trois de ces onze maisons étaient réservées aux femmes : les léproseries de Sainte-Madeleine, de Sainte-Marguerite et de Sainte-Hélène[2].

  1. De La Mare, Traité de la police. — Cibrario, Écon. polit., t. II, p. 103.
  2. Il en existait onze dans le décanat de Savoie, autant dans celui d’Annecy, dans les autres, à proportion. (Costa, Mém. hist., p. 195.)