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L’ENTENTE CORDIALE FRANCO-ANGLAISE

par les sous-marins allemands ? En un mot, la multiplicité des flottes de guerre et des marines commerciales qui existent déjà et se constitueront dans tous les océans ne permettra plus à aucune nation de former les rêves de domination océanique par lesquels l’Angleterre, à de certaines heures de son histoire, inquiéta le monde.

Après la guerre, du reste, la Grande-Bretagne aura comme la France, comme la Russie, comme l’Italie, tant de blessures à guérir et de pertes à réparer, qu’elle sera trop heureuse de jouir de la tranquillité introduite dans le monde par la destruction du militarisme allemand.

Il faut ajouter que les causes de guerre auront en grande partie disparu, en raison de la nouvelle situation dans laquelle se trouveront toutes les puissances. À quoi pourrait aspirer la Russie lorsqu’elle sera devenue la maîtresse de Constantinople et de l’Arménie, c’est-à-dire de presque tout l’Empire turc ? Que pourrait demander l’Angleterre, sa rivale en Orient, lorsqu’elle aura soudé à son vaste empire de l’Inde les immenses et riches territoires de la Mésopotamie et relié son domaine asiatique à la Méditerranée ? Le Japon et les États-Unis, dont la rivalité a souvent été signalée, sont trop éloignés l’un de l’autre pour que la tentation leur puisse venir de se battre. La Chine aura besoin d’un long temps de paix pour s’organiser. Les petits États neutres de l’Europe, enfin, sont assez instruits par la guerre actuelle sur le danger de leur désarmement et de leur isolement pour que l’on puisse espérer qu’ils se fédéreront en vue de résister aux ambitions de voisins plus puissants qu’eux.

La France, de son côté, malgré ses traditions et son caractère, est éminemment pacifique – on ne l’a que trop vu depuis une vingtaine d’année – et son attachement à la paix est encore favorisé par ses institutions. Ce n’est certainement point par elle,