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L’ENTENTE CORDIALE FRANCO-ANGLAISE

n’est plus naturel, rien n’est plus légitime, et nulle puissance ne pourrait en prendre ombrage ; mais nous estimons qu’elle commettrait une grave faute si elle voulait tenter de faire au Maroc ce qu’elle a fait en Tunisie. Ni son intérêt matériel, ni le souci qu’elle a du maintien de la paix européenne ne sauraient lui conseiller une pareille politique. »

Je me plaçais, bien entendu, en écrivant ces lignes, au point de vue de la situation alors existante et je réservais pour l’avenir la solution des questions qui se poseraient d’elles-mêmes au fur et à mesure de l’accomplissement de l’œuvre marocaine que je considérais comme immédiatement réalisable. L’Allemagne devait par ses maladresses et ses violences précipiter le cours des événements.

Au moment où j’écrivais les lignes reproduites ci-dessus, notre diplomatie préparait la convention d’arbitrage anglo-française qui fut signée le 14 octobre 1903 et la convention du 8 avril 1904, par laquelle la France renonçait au littoral méditerranéen du Maroc au profit de l’Espagne et consentait à la neutralisation de Ranger afin d’écarter les oppositions de l’Angleterre, abandonnait Tripoli à l’Italie afin d’obtenir son adhésion à nos projets marocains et, en compensation de la reconnaissance par l’Angleterre de notre situation privilégiée au Maroc, cédait à cette puissance nos droits sur Terre-Neuve et reconnaissait son protectorat en Égypte.

L’Allemagne n’avait pas eu à intervenir dans ces accords, car elle n’avait encore au Maroc que des intérêts économiques minimes ; mais Guillaume avait résolu de nous imposer des conditions au moyen desquelles l’Allemagne pourrait se développer en concurrence avec la France. Tout d’abord, en 1905, par son voyage à Ranger, il se posa officiellement en protecteur de l’indépendance du sultan et de l’intégrité de l’Empire marocain et déclara ne vouloir traiter qu’avec